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La foi dans l’espace public ⏤ Rendre visible l’invisible Pub Socratique

    • Christianity

Le terme «sécularisation», cela vous évoque quelque chose? Historiquement, il est associé au christianisme : dérivé du latin «seculum», son origine signifie «rendre au siècle, au monde». On sait qu’au 17e siècle, ce terme était utilisé dans le cadre de transferts de terres appartenant à l’Église catholique pour les céder à des propriétaires privés. Au début du 18e siècle, cette notion est devenue de plus en plus liée à l’idée que la société, à mesure qu’elle progressait sur le plan scientifique et technologique, aurait moins besoin de la religion pour répondre à ses questions existentielles. En d’autres termes, les avancées scientifiques remplaceraient la religion et la feraient disparaître. Cette idée a été contestée, elle ne s’est pas réalisée. Des siècles plus tard, les chercheurs en sciences sociales ont plutôt montré que la dimension religieuse et spirituelle des humains n’a pas disparu, mais elle s’est transformée. Ainsi, le concept de sécularisation a subi plusieurs ajustements, notamment l’idée que la religion se retirerait de l’espace public pour devenir une affaire privée. Bien que cela ait pu fonctionner pour certains groupes chrétiens occidentaux, l’immigration a mis en lumière l’émergence d’une diversité bien plus large de croyances dans le domaine public que ce que l’on aurait pu imaginer.
Deux événements majeurs ont profondément influencé le paysage religieux et la sphère publique occidentale. La chute du mur de Berlin a levé le tabou entourant les athées dans le monde occidental, notamment aux États-Unis où être athée était alors associé au contexte de la guerre froide et au communisme. Depuis lors, on constate une croissance des sans-religions et une expression plus franche de ce désengagement religieux. Parallèlement, les attentats du 11 septembre 2001 ont réintroduit la question de la religion dans l’espace public, en particulier la question musulmane. Au Québec, les années qui ont suivi ont mis en lumière la nécessité de réfléchir à sa diversité religieuse à travers ce qu’on a nommé les accommodements raisonnables. La commission Bouchard-Taylor, en 2007-2008, avait pour objectif de repenser la laïcité : l’idée d’exprimer sa foi dans l’espace public serait inévitablement liée à la visibilité religieuse. Le port de symboles religieux ostentatoires, donc visibles, serait incompatible avec le service de l’État, un principe cristallisé dans le projet de loi 21 récemment adopté. Même dans des lieux informels comme le pub, ces discussions avaient commencé, mais à cette époque, le rôle dominant de la CAQ et son projet de loi 21 étaient encore loin d’être établis.
Dans ce contexte, être évangélique semblait initialement moins problématique, car nos communautés ne portent généralement pas de signes religieux ostentatoires (à l’exception peut-être de quelques symboles discrets comme le petit poisson sur les voitures, courant dans les années 2000). Les discussions autour de cette loi se concentrent surtout sur son impact sur les femmes musulmanes qui portent le voile. Néanmoins, cette loi s’inscrit dans une tendance plus large de durcissement envers les mouvements religieux. Récemment, la CAQ (Coalition Avenir Québec) est intervenue publiquement pour interdire la location d’un événement au Palais des Congrès, ce qui reflète cette dynamique. Le milieu évangélique, soulignons-le, rencontre des défis, étant une minorité sans réel pouvoir, contrairement à ce que l’on peut observer aux États-Unis.
Pendant des décennies, le milieu ecclésial a généralement adopté une attitude de réserve vis-à-vis de la société, se concentrant principalement sur la transmission du message évangélique. Cette relation était axée sur des objectifs missionnaires et tendait à éviter les implications politiques. Pour emprunter un ton humoristique à un éminent ch

Le terme «sécularisation», cela vous évoque quelque chose? Historiquement, il est associé au christianisme : dérivé du latin «seculum», son origine signifie «rendre au siècle, au monde». On sait qu’au 17e siècle, ce terme était utilisé dans le cadre de transferts de terres appartenant à l’Église catholique pour les céder à des propriétaires privés. Au début du 18e siècle, cette notion est devenue de plus en plus liée à l’idée que la société, à mesure qu’elle progressait sur le plan scientifique et technologique, aurait moins besoin de la religion pour répondre à ses questions existentielles. En d’autres termes, les avancées scientifiques remplaceraient la religion et la feraient disparaître. Cette idée a été contestée, elle ne s’est pas réalisée. Des siècles plus tard, les chercheurs en sciences sociales ont plutôt montré que la dimension religieuse et spirituelle des humains n’a pas disparu, mais elle s’est transformée. Ainsi, le concept de sécularisation a subi plusieurs ajustements, notamment l’idée que la religion se retirerait de l’espace public pour devenir une affaire privée. Bien que cela ait pu fonctionner pour certains groupes chrétiens occidentaux, l’immigration a mis en lumière l’émergence d’une diversité bien plus large de croyances dans le domaine public que ce que l’on aurait pu imaginer.
Deux événements majeurs ont profondément influencé le paysage religieux et la sphère publique occidentale. La chute du mur de Berlin a levé le tabou entourant les athées dans le monde occidental, notamment aux États-Unis où être athée était alors associé au contexte de la guerre froide et au communisme. Depuis lors, on constate une croissance des sans-religions et une expression plus franche de ce désengagement religieux. Parallèlement, les attentats du 11 septembre 2001 ont réintroduit la question de la religion dans l’espace public, en particulier la question musulmane. Au Québec, les années qui ont suivi ont mis en lumière la nécessité de réfléchir à sa diversité religieuse à travers ce qu’on a nommé les accommodements raisonnables. La commission Bouchard-Taylor, en 2007-2008, avait pour objectif de repenser la laïcité : l’idée d’exprimer sa foi dans l’espace public serait inévitablement liée à la visibilité religieuse. Le port de symboles religieux ostentatoires, donc visibles, serait incompatible avec le service de l’État, un principe cristallisé dans le projet de loi 21 récemment adopté. Même dans des lieux informels comme le pub, ces discussions avaient commencé, mais à cette époque, le rôle dominant de la CAQ et son projet de loi 21 étaient encore loin d’être établis.
Dans ce contexte, être évangélique semblait initialement moins problématique, car nos communautés ne portent généralement pas de signes religieux ostentatoires (à l’exception peut-être de quelques symboles discrets comme le petit poisson sur les voitures, courant dans les années 2000). Les discussions autour de cette loi se concentrent surtout sur son impact sur les femmes musulmanes qui portent le voile. Néanmoins, cette loi s’inscrit dans une tendance plus large de durcissement envers les mouvements religieux. Récemment, la CAQ (Coalition Avenir Québec) est intervenue publiquement pour interdire la location d’un événement au Palais des Congrès, ce qui reflète cette dynamique. Le milieu évangélique, soulignons-le, rencontre des défis, étant une minorité sans réel pouvoir, contrairement à ce que l’on peut observer aux États-Unis.
Pendant des décennies, le milieu ecclésial a généralement adopté une attitude de réserve vis-à-vis de la société, se concentrant principalement sur la transmission du message évangélique. Cette relation était axée sur des objectifs missionnaires et tendait à éviter les implications politiques. Pour emprunter un ton humoristique à un éminent ch

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