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La (vieille) querelle justice-politique / Quel leader aura été Angela Merkel ? / n°211 / 19 septembre 2021 Le Nouvel Esprit Public

    • Politique

Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 17 septembre 2021.
Avec cette semaine :
- Nicolas Baverez, essayiste et avocat.- Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.- Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
LA (VIEILLE) QUERELLE JUSTICE-POLITIQUE

Le 10 septembre, Agnès Buzyn a été mise en examen dans le dossier de la gestion de l'épidémie de Covid-19 pour « mise en danger de la vie d'autrui ». Elle a été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté pour « abstention de combattre un sinistre ». En cause : le rôle central de l'ancienne ministre de la Santé dans le dispositif gouvernemental entre janvier 2020 et sa démission le 16 février 2020 quand de premiers cas déclarés puis des décès apparaissaient en Chine et dans le monde. Les plaignants lui reprochent son inaction ou d'avoir menti sur l'utilité des masques dans le seul objectif d'en dissimuler la pénurie. Seize plaintes ont été jugées recevables sur plus de 14.000 déposées. Pour le premier délit, Agnès Buzyn encourt un an de prison et 15.000 euros d'amende. Pour le second, deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Cette décision de mise en examen est le fait de la Cour de justice de la République (CJR), juridiction créée en 1993 à la suite du drame du sang contaminé, seule habilitée à juger des ministres pour des actes commis dans l'exercice de leurs fonctions. Elle est composée de 12 parlementaires et 3 magistrats.
Si la création de la CJR constituait « au départ un progrès », il ne faudrait pas « qu'il se retourne contre la justice elle-même », fait valoir Pierre Egéa, professeur de droit public et avocat, relayant une inquiétude assez largement partagée. Il pointe notamment le « flou complet » des infractions pénales en cause : « "Mise en danger de la vie d'autrui", c'est très large et permet à peu près tout. Incidemment, on place le juge répressif en position d'évaluer une politique publique. C'est un problème sur le plan de la séparation des pouvoirs. » Avant d'autres probables auditions, de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et de l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran, les responsables politiques s'interrogent sur un risque de judiciarisation de la vie publique, au risque d'une « paralysie » de l'action politique, selon le mot de Jean Castex. À l'Élysée, le chef de l'État s'est ému en privé du sort réservé à Agnès Buzyn, estimant que « cela fait peser un risque sur l'essence même du politique, à savoir : décider ». Comme une façon de délégitimer la Cour de justice de la République (il avait promis de la supprimer en 2017), il estime que « le juge souverain, c'est le peuple ». 
Trois autres affaires sont à l'instruction auprès de cette cour : les modalités, décidées par Éric Woerth, de l'imposition de Bernard Tapie après l'arbitrage de 2008 ; l'affaire concernant Kader Arif (ex-secrétaire d'État aux Anciens Combattants) pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans des marchés publics ; enfin, l'affaire de la prise illégale d'intérêts dont se serait rendu coupable le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti en saisissant l'Inspection générale de la justice dans le dossier des « fadettes ».
Ailleurs dans le monde plusieurs dirigeants sont sous le coup d'enquêtes judiciaires pour mauvaise gestion de la crise sanitaire, comme en Italie ou au Brésil. En revanche, au Royaume-Uni, une enquête indépendante (non judiciaire) a été ouverte.

***

QUEL LEADER AURA ÉTÉ ANGELA MERKEL ?
 
La chancelière allemande quittera le pouvoir avec une popularité au zénith après 16 années à la tête du pays. Pour les citoyens européens, Angela Merkel est la dirig

Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 17 septembre 2021.
Avec cette semaine :
- Nicolas Baverez, essayiste et avocat.- Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.- Michaela Wiegel, correspondante à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
LA (VIEILLE) QUERELLE JUSTICE-POLITIQUE

Le 10 septembre, Agnès Buzyn a été mise en examen dans le dossier de la gestion de l'épidémie de Covid-19 pour « mise en danger de la vie d'autrui ». Elle a été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté pour « abstention de combattre un sinistre ». En cause : le rôle central de l'ancienne ministre de la Santé dans le dispositif gouvernemental entre janvier 2020 et sa démission le 16 février 2020 quand de premiers cas déclarés puis des décès apparaissaient en Chine et dans le monde. Les plaignants lui reprochent son inaction ou d'avoir menti sur l'utilité des masques dans le seul objectif d'en dissimuler la pénurie. Seize plaintes ont été jugées recevables sur plus de 14.000 déposées. Pour le premier délit, Agnès Buzyn encourt un an de prison et 15.000 euros d'amende. Pour le second, deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Cette décision de mise en examen est le fait de la Cour de justice de la République (CJR), juridiction créée en 1993 à la suite du drame du sang contaminé, seule habilitée à juger des ministres pour des actes commis dans l'exercice de leurs fonctions. Elle est composée de 12 parlementaires et 3 magistrats.
Si la création de la CJR constituait « au départ un progrès », il ne faudrait pas « qu'il se retourne contre la justice elle-même », fait valoir Pierre Egéa, professeur de droit public et avocat, relayant une inquiétude assez largement partagée. Il pointe notamment le « flou complet » des infractions pénales en cause : « "Mise en danger de la vie d'autrui", c'est très large et permet à peu près tout. Incidemment, on place le juge répressif en position d'évaluer une politique publique. C'est un problème sur le plan de la séparation des pouvoirs. » Avant d'autres probables auditions, de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et de l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran, les responsables politiques s'interrogent sur un risque de judiciarisation de la vie publique, au risque d'une « paralysie » de l'action politique, selon le mot de Jean Castex. À l'Élysée, le chef de l'État s'est ému en privé du sort réservé à Agnès Buzyn, estimant que « cela fait peser un risque sur l'essence même du politique, à savoir : décider ». Comme une façon de délégitimer la Cour de justice de la République (il avait promis de la supprimer en 2017), il estime que « le juge souverain, c'est le peuple ». 
Trois autres affaires sont à l'instruction auprès de cette cour : les modalités, décidées par Éric Woerth, de l'imposition de Bernard Tapie après l'arbitrage de 2008 ; l'affaire concernant Kader Arif (ex-secrétaire d'État aux Anciens Combattants) pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans des marchés publics ; enfin, l'affaire de la prise illégale d'intérêts dont se serait rendu coupable le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti en saisissant l'Inspection générale de la justice dans le dossier des « fadettes ».
Ailleurs dans le monde plusieurs dirigeants sont sous le coup d'enquêtes judiciaires pour mauvaise gestion de la crise sanitaire, comme en Italie ou au Brésil. En revanche, au Royaume-Uni, une enquête indépendante (non judiciaire) a été ouverte.

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QUEL LEADER AURA ÉTÉ ANGELA MERKEL ?
 
La chancelière allemande quittera le pouvoir avec une popularité au zénith après 16 années à la tête du pays. Pour les citoyens européens, Angela Merkel est la dirig

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