17 min

L'Instant Philo - Violence et Histoire L'Instant Philo

    • Philosophy

L’instant Philo                    Violence et histoire                 Emission du dimanche 28 janvier 2024 
Illustration : photo de Robert Capa
Introduction 
 Quand on ouvre un manuel d’histoire, on est souvent frappé par l’omniprésence de la violence. Est-ce un hasard si les livres des premiers historiens grecs décrivent des guerres : guerres médiques pour Hérodote[i] et guerre du Péloponnèse chez Thucydide ? Les conflits actuels qui sont en plus lourds de la menace d’un usage d’armes de destruction massive, semblent confirmer ce constat. Conflits meurtriers, guerres civiles, coups d’état,  révolutions, révoltes, jacqueries et manifestations souvent réprimées dans le sang semblent scander toutes les époques. Comme Macbeth dans la pièce éponyme de Shakespeare nous pourrions en conclure, de façon désabusée, que l’histoire est « un récit plein de bruit et de fureur raconté par un fou n’ayant aucun sens ». [ii] Au demeurant, Robert Muchembled dans son Histoire de la violence de la fin du moyen-âge à nos jours souligne qu’en Occident, il y a 100 fois moins de meurtres qu’il y a sept siècles. Et la possibilité qu’une guerre éclate entre pays européens occidentaux – Allemagne, France, Italie, Espagne, etc. – est devenue nulle depuis plus d’une cinquantaine d’années. Cet adoucissement des mœurs ne signifie pas que les violences qui persistent soient négligeables et moins graves comme le montrent les violences au sein des familles – principalement celles faites aux femmes et aux enfants. Dans une société pacifiée, elles attirent plus l’attention. C’est une bonne chose pour qu’on puisse lutter contre elles. Ensuite, les actes terroristes trouvent dans des sociétés grandement pacifiées, une puissance de résonnance médiatique peut-être disproportionnée. Les 25 000 victimes du terrorisme dont la plupart se trouvent hors d’Europe (Afghanistan, Irak, Pakistan, Syrie, Nigéria)  frappent fortement les esprits dans une situation de plus grande sécurité alors qu’au regard par exemple des 3,5 millions de décès liés à une surconsommation de sucre ou aux 7 millions de morts par an dus à la pollution de l’air, cela semble objectivement moins inquiétants. Ce type de comptabilité macabre auquel il est difficile d’échapper ne cherche évidemment pas à minimiser les horreurs du terrorisme. Elle montre que la violence est perçue plus par le prisme subjectif et collectif de la peur que par le caractère objectif des risques encourus.[iii]
Notre rapport à la violence est donc loin d’être simple. Je n’ai pas la prétention d’en faire une analyse exhaustive et précise. Il y aurait fort à faire en ces temps où confusion managériale et politique, mondialisation néo-libérale et « hystérisation »  parfois ahurissante des débats médiatiques, brouillent souvent les pistes. Mon propos est d’arriver à prendre un peu  de recul et proposer quelques pistes : comment penser en général le rapport entre l’histoire humaine et cette violence qui finit d’ailleurs, compte tenu de la puissance de nos technologies, par affecter gravement les autres vivants et perturber toute la biosphère ?  
I.             Définition de la violence entre humains
La violence est d’abord pensée comme une relation entre humains. Elle désigne tout comportement dont le but est de soumettre une personne ou un groupe à sa volonté en recourant à la force. Pour André Comte-Sponville, la Violence est « L’usage immodéré de la force. Elle est parfois nécessaire – la modération n’est pas toujours possible. Jamais bonne. Toujours regrettable, pas toujours condamnable. Son contraire est la douceur – qu’on ne confondra pas avec la faiblesse qui est le contraire de la force. »[iv]
Si la violence n’est jamais bonne, il faut sûrement s’efforcer de la limiter. Instruit par l’exempl

L’instant Philo                    Violence et histoire                 Emission du dimanche 28 janvier 2024 
Illustration : photo de Robert Capa
Introduction 
 Quand on ouvre un manuel d’histoire, on est souvent frappé par l’omniprésence de la violence. Est-ce un hasard si les livres des premiers historiens grecs décrivent des guerres : guerres médiques pour Hérodote[i] et guerre du Péloponnèse chez Thucydide ? Les conflits actuels qui sont en plus lourds de la menace d’un usage d’armes de destruction massive, semblent confirmer ce constat. Conflits meurtriers, guerres civiles, coups d’état,  révolutions, révoltes, jacqueries et manifestations souvent réprimées dans le sang semblent scander toutes les époques. Comme Macbeth dans la pièce éponyme de Shakespeare nous pourrions en conclure, de façon désabusée, que l’histoire est « un récit plein de bruit et de fureur raconté par un fou n’ayant aucun sens ». [ii] Au demeurant, Robert Muchembled dans son Histoire de la violence de la fin du moyen-âge à nos jours souligne qu’en Occident, il y a 100 fois moins de meurtres qu’il y a sept siècles. Et la possibilité qu’une guerre éclate entre pays européens occidentaux – Allemagne, France, Italie, Espagne, etc. – est devenue nulle depuis plus d’une cinquantaine d’années. Cet adoucissement des mœurs ne signifie pas que les violences qui persistent soient négligeables et moins graves comme le montrent les violences au sein des familles – principalement celles faites aux femmes et aux enfants. Dans une société pacifiée, elles attirent plus l’attention. C’est une bonne chose pour qu’on puisse lutter contre elles. Ensuite, les actes terroristes trouvent dans des sociétés grandement pacifiées, une puissance de résonnance médiatique peut-être disproportionnée. Les 25 000 victimes du terrorisme dont la plupart se trouvent hors d’Europe (Afghanistan, Irak, Pakistan, Syrie, Nigéria)  frappent fortement les esprits dans une situation de plus grande sécurité alors qu’au regard par exemple des 3,5 millions de décès liés à une surconsommation de sucre ou aux 7 millions de morts par an dus à la pollution de l’air, cela semble objectivement moins inquiétants. Ce type de comptabilité macabre auquel il est difficile d’échapper ne cherche évidemment pas à minimiser les horreurs du terrorisme. Elle montre que la violence est perçue plus par le prisme subjectif et collectif de la peur que par le caractère objectif des risques encourus.[iii]
Notre rapport à la violence est donc loin d’être simple. Je n’ai pas la prétention d’en faire une analyse exhaustive et précise. Il y aurait fort à faire en ces temps où confusion managériale et politique, mondialisation néo-libérale et « hystérisation »  parfois ahurissante des débats médiatiques, brouillent souvent les pistes. Mon propos est d’arriver à prendre un peu  de recul et proposer quelques pistes : comment penser en général le rapport entre l’histoire humaine et cette violence qui finit d’ailleurs, compte tenu de la puissance de nos technologies, par affecter gravement les autres vivants et perturber toute la biosphère ?  
I.             Définition de la violence entre humains
La violence est d’abord pensée comme une relation entre humains. Elle désigne tout comportement dont le but est de soumettre une personne ou un groupe à sa volonté en recourant à la force. Pour André Comte-Sponville, la Violence est « L’usage immodéré de la force. Elle est parfois nécessaire – la modération n’est pas toujours possible. Jamais bonne. Toujours regrettable, pas toujours condamnable. Son contraire est la douceur – qu’on ne confondra pas avec la faiblesse qui est le contraire de la force. »[iv]
Si la violence n’est jamais bonne, il faut sûrement s’efforcer de la limiter. Instruit par l’exempl

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