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Noircir Adrien Grassard
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Chaque mardi à 20h. découvrez un nouveau texte.
Noyons internet d’une marée noirâtre de mots, et de phrases inutiles.
Bienvenue.
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ESPERONS
"Laissez-vous engluer, par la visqueuse vague,
De l’espoir qui s’amène, de manière divague,
Laissez-vous embrocher, par ces longs traits d’esprits,
Faisant couler le pue, de vos crânes meurtris,
Laissez-vous porter oui, dans cette flaque opaque,
Jusqu’à l’îlot d’espoir, où plus rien ne vous traque." -
LE NOIRCIR DE LA MATURITÉ
Lumière dans le noir, vapeur qui nous enfume,
Passant de main en main, elle se consume,
De lèvres en lèvres, elle s’humidifie,
Suante de bave, elle se lubrifie. -
PATER NOSTER - JACQUES PREVERT
Notre Père qui êtes au Cieux, restez-y
Et nous, nous resterons sur la Terre qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine, sa rivière de Morlaix, ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde qui sont là, simplement sur la Terre
Offertes à tout le monde, éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde qui sont légion
Avec leurs légionnaires, avec leurs tortionnaires, avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres, leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons, avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons -
ON VIT, ON PARLE... - VICTOR HUGO
On vit, on parle, on a le ciel et les nuages
Sur la tête ; on se plaît aux livres des vieux sages ;
On lit Virgile et Dante ; on va joyeusement
En voiture publique à quelque endroit charmant,
En riant aux éclats de l'auberge et du gîte ;
Le regard d'une femme en passant vous agite ;
On aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois !
On écoute le chant des oiseaux dans les bois
Le matin, on s'éveille, et toute une famille
Vous embrasse, une mère, une soeur, une fille !
On déjeune en lisant son journal. Tout le jour
On mêle à sa pensée espoir, travail, amour ;
La vie arrive avec ses passions troublées ;
On jette sa parole aux sombres assemblées ;
Devant le but qu'on veut et le sort qui vous prend,
On se sent faible et fort, on est petit et grand ;
On est flot dans la foule, âme dans la tempête ;
Tout vient et passe ; on est en deuil, on est en fête ;
On arrive, on recule, on lutte avec effort... --
Puis, le vaste et profond silence de la mort ! -
C'EST COMPLIQUÉ D'ÉCRIRE...
"On a beaucoup à dire, et peu à étaler,
On a de quoi parler, mais sans être emballés,
On a de quoi râler, mais on a plus l’envie,
On a de quoi penser, mais on a plus d’avis." -
POEMES #1 SI LES POETES ETAIENT MOINS BÊTES - BORIS VIAN
Si les poètes étaient moins bêtes
Et s’ils étaient moins paresseux
Ils rendraient tout le monde heureux
Pour pouvoir s’occuper en paix
De leurs souffrances littéraires.
Ils construiraient des maisons jaunes
Avec de grands jardins devant
Et des arbres pleins de zoizeaux
De mirliflûtes et de lizeaux
Des mésongres et des feuvertes
Des plumuches, des picassiettes
Et des petits corbeaux tout rouges
Qui diraient la bonne aventure
Il y aurait de grands jets d’eau
Avec des lumières dedans
Il y aurait deux cents poissons
Depuis le croûsque au ramusson
De la libelle au pépamule
De l’orphie au rara curule
Et de l’avoile au canisson
Il y aurait de l’air tout neuf
Parfumé de l’odeur des feuilles
On mangerait quand on voudrait
Et l’on travaillerait sans hâte
A construire des escaliers
De formes encore jamais vues
Avec des bois veinés de mauve
Lisses comme elle sous les doigts
Mais les poètes sont très bêtes
Ils écrivent pour commencer
Au lieu de s’mettre à travailler
Et ça leur donne des remords
Qu’ils conservent jusqu’à la mort
Ravis d’avoir tellement souffert
On leur donne des grands discours
Et on les oublie en un jour
Mais s’ils étaient moins paresseux
On ne les oublieraient qu’en deux.