14 min

Chapitre 1 - 11 avril 2108, 601 ppm, +3 °C Gouvernail 602 - livre audio

    • Philosophy

Gouvernail 602 est un livre de Marek Baari. Rendez-vous sur marekbaari.com pour retrouver le texte intégral, et pouvoir télécharger l’œuvre en de multiples formats de lecture. Licence Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0


Ceci est le chapitre 1 du livre en version audio :


La femme était légèrement en surpoids et avait la peau blanche, presque blafarde. Son regard était beau, avec des yeux verts, un peu inquiets, fatigués, mais dont la tenue et l’intensité montraient une belle acuité de perception, une profondeur d’âme. Ses cheveux bruns descendaient jusqu’au bas des omoplates. Elle se tenait en biais sur sa chaise, avec une jambe repliée sur l’autre, les bras sur les cuisses et les mains entrelacées. Ses vêtements étaient simples, de couleurs sombres, et l’on pouvait déceler qu’elle n’était pas originaire d’un pays guildin, car ils étaient en fibres synthétiques.

Swann s’assit face à elle, derrière son bureau, sourit en la regardant dans les yeux pour manifester son empathie, puis la salua en prenant son temps. 

– Bonjour, je m’appelle Swann, je suis celle que je crois être.

La femme salua de la tête à son tour :

– Je m’appelle Sylvia, et je suis celle que je crois être. 

Ces premiers instants étaient toujours intenses. Pouvoir prononcer à haute voix ces mots, expression d’appartenance à la Guilde, était pour les nouveaux arrivants un grand symbole du voyage accompli et de leur nouvelle vie. Swann ressentait la légère appréhension de la femme, la peur du jugement, du rejet. Aussi sa soif de contacts, d’amitiés, de nouveaux liens.

Le bureau d’accueil de la région de Sangar, en Sibérie orientale, était très actif. Trois cents spécialistes de l’intégration sociale y travaillaient. Swann était l’un d’eux. Passionnée par son métier, elle avait pour mission d’aider les nouveaux venus, plus de trente-cinq mille par an rien que pour cette région, dans toutes les démarches d’insertion administrative, fonctionnelle et sociale. 

Beaucoup, comme cette femme, venaient des Nouveaux-États-Unis d’Amérique, composés de dix-neuf États de la bande centrale du continent, résistants à tout vent de changement et qui avaient fait sécession en 2085 lorsqu’une nouvelle constitution américaine, basée sur les principes guildins, avait été adoptée. Avec pour capitale Austin, au Texas, la culture de ces contrées était conservatrice, consumériste, individualiste et ultralibérale. Le xxe siècle et ses mythes s’étaient accrochés à cette bande de terre et à ses habitants qui rêvaient encore à la toute-puissance des êtres-fictions, n’avaient pas interdit les moteurs thermiques et les énergies fossiles, refusaient de contrôler leurs émissions de gaz à effet de serre et de participer aux efforts internationaux de captation et stockage du dioxyde de carbone excédentaire. La consommation de viande animale y était autorisée et fréquente. Pour se maintenir, le gouvernement kleptocratique pratiquait une propagande intensive, contrôlait les médias, ostracisait les cultures et modes de vie d’ailleurs. Les voyages en d’autres territoires n’étaient possibles que pour les plus fervents adeptes du culte Qanon, triés sur le volet par le service de lutte contre les complots.

Tout en continuant à sourire légèrement pour se montrer rassurante, Swann entama le dialogue :

– Quand as-tu su que tu voulais rejoindre la Guilde ? [...]

Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Gouvernail 602 est un livre de Marek Baari. Rendez-vous sur marekbaari.com pour retrouver le texte intégral, et pouvoir télécharger l’œuvre en de multiples formats de lecture. Licence Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0


Ceci est le chapitre 1 du livre en version audio :


La femme était légèrement en surpoids et avait la peau blanche, presque blafarde. Son regard était beau, avec des yeux verts, un peu inquiets, fatigués, mais dont la tenue et l’intensité montraient une belle acuité de perception, une profondeur d’âme. Ses cheveux bruns descendaient jusqu’au bas des omoplates. Elle se tenait en biais sur sa chaise, avec une jambe repliée sur l’autre, les bras sur les cuisses et les mains entrelacées. Ses vêtements étaient simples, de couleurs sombres, et l’on pouvait déceler qu’elle n’était pas originaire d’un pays guildin, car ils étaient en fibres synthétiques.

Swann s’assit face à elle, derrière son bureau, sourit en la regardant dans les yeux pour manifester son empathie, puis la salua en prenant son temps. 

– Bonjour, je m’appelle Swann, je suis celle que je crois être.

La femme salua de la tête à son tour :

– Je m’appelle Sylvia, et je suis celle que je crois être. 

Ces premiers instants étaient toujours intenses. Pouvoir prononcer à haute voix ces mots, expression d’appartenance à la Guilde, était pour les nouveaux arrivants un grand symbole du voyage accompli et de leur nouvelle vie. Swann ressentait la légère appréhension de la femme, la peur du jugement, du rejet. Aussi sa soif de contacts, d’amitiés, de nouveaux liens.

Le bureau d’accueil de la région de Sangar, en Sibérie orientale, était très actif. Trois cents spécialistes de l’intégration sociale y travaillaient. Swann était l’un d’eux. Passionnée par son métier, elle avait pour mission d’aider les nouveaux venus, plus de trente-cinq mille par an rien que pour cette région, dans toutes les démarches d’insertion administrative, fonctionnelle et sociale. 

Beaucoup, comme cette femme, venaient des Nouveaux-États-Unis d’Amérique, composés de dix-neuf États de la bande centrale du continent, résistants à tout vent de changement et qui avaient fait sécession en 2085 lorsqu’une nouvelle constitution américaine, basée sur les principes guildins, avait été adoptée. Avec pour capitale Austin, au Texas, la culture de ces contrées était conservatrice, consumériste, individualiste et ultralibérale. Le xxe siècle et ses mythes s’étaient accrochés à cette bande de terre et à ses habitants qui rêvaient encore à la toute-puissance des êtres-fictions, n’avaient pas interdit les moteurs thermiques et les énergies fossiles, refusaient de contrôler leurs émissions de gaz à effet de serre et de participer aux efforts internationaux de captation et stockage du dioxyde de carbone excédentaire. La consommation de viande animale y était autorisée et fréquente. Pour se maintenir, le gouvernement kleptocratique pratiquait une propagande intensive, contrôlait les médias, ostracisait les cultures et modes de vie d’ailleurs. Les voyages en d’autres territoires n’étaient possibles que pour les plus fervents adeptes du culte Qanon, triés sur le volet par le service de lutte contre les complots.

Tout en continuant à sourire légèrement pour se montrer rassurante, Swann entama le dialogue :

– Quand as-tu su que tu voulais rejoindre la Guilde ? [...]

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