J’ai lu pour la première fois le nom d’Antoine Giacometti par hasard dans un obscur opuscule à propos de la figure du prêtre dans la littérature française. Dans une note de bas de page qui évoquait les laïcs touchés par l’Esprit, l’auteur citait Le figuier maudit et un de ses personnages, Alexandre Marcovitch, expliquant que dans ce roman l’absence de Dieu et l’échec de la rédemption étaient « poussés jusqu’à un point difficilement admissible. » C’est ce difficilement admissible qui a éveillé ma curiosité. De quelle manière ? Pourquoi ? Quelles pouvaient bien être les limites de l’admissible et de l’inadmissible ? De plus l’auteur qualifiait le roman de « remarquable » tout en ayant été assez sévère auparavant à l’encontre de romans plutôt bons.
Bien vite, je me suis rendu compte que personne n’avait jamais rien dit de ce roman. Pourquoi la critique d’alors l’a-t-elle raté ? A cause d’un rythme de publication trop erratique (trois romans en dix-sept ans) ? A cause d’amitiés littéraires pour beaucoup emportées par la mort avant 1953, date de la parution de son roman Le figuier maudit ? Pour l’heure, je ne sais pas. Je sais en revanche que ce roman est bien un roman remarquable. Mieux que cela, un roman majeur. J’hésite même à évoquer le chef-d’œuvre alors que je ne réfléchis jamais en ces termes. Il est en tout cas situé entre la prose de Paul Gadenne et celle de l’écrivain qui semble le plus l’avoir inspiré : Léon Bloy.
Le figuier maudit est un roman à l’opaque puissance. Une puissance qui sourde mais qui semble invisible, sous le niveau de la mer. Une puissance lente, lourde, qui se propage bien plus comme de la lave que comme des nuées. Elle ne fait pas le moindre bruit, se manifeste sans qu’on le remarque clairement, est toujours à l’image du silence de Dieu si cher à Antoine Giacometti. Le figuier maudit c’est avant tout un roman total qui traite d’amour, de mort, d’amitié, de connaissance, de foi, d’art mais avec une profondeur, une acuité qu’il est très rare de retrouver. Le figuier maudit c’est aussi la bataille qui jamais ne cesse depuis la chute des anges. Mais ce n’est pas frontalement la bataille du Bien contre le Mal, ce n’est pas la bataille du sang, c’est la bataille de la Liberté, la bataille de l’Être auquel on a donné les pleins pouvoirs justement parce qu’il se croit abandonné de Dieu. Qu’en fera-t-il ? Est-il seulement conscient de « l’infinie gratuité de Dieu ? »
Il faut suivre le peintre Jacques Denoé chez les Marcovitch, le suivre dans sa tentative de saisir le visage d’Irène.
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Information
- Show
- FrequencyBiweekly Series
- PublishedNovember 7, 2024 at 5:00 AM UTC
- Length37 min
- Season2
- Episode7
- RatingClean