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Ombre, invisibilité, hommes et femmes Improvisations (le podcast)

    • Personal Journals

Belle exposition vue hier à Beaubourg sur les femmes et l’abstraction, qui montre que la place et l’apport des femmes à l’art abstrait ont souvent été sous-estimés, négligés, les artistes femmes étant ainsi souvent victimes du phénomène social d’invisibilisation.







C’est sûrement vrai dans nombre de cas. Celui du Bauhaus, au sein duquel les femmes furent quasi constamment reléguées dans le groupe mercerie, est, de ce point de vue, exemplaire.







C’est sûrement vrai dans nombre de cas mais ça ne l’est pas forcément partout, et c’est là que les choses deviennent intéressantes.

























Certaines des artistes dont les oeuvres sont présentées, notamment celles se réclamant de la théosophie, avaient expressément requis l’anonymat et demandé que leurs oeuvres ne soient rendues publiques qu’après leur mort. D’autres,  parmi lesquelles celles ayant peint le tableau qui figure en illustration de ce papier, intitulée La loi des femmes est vivante sur nos terres, n’ont pas signé leur oeuvre.









Il y a, chez certaines, une volonté de rester dans l’ombre, à tout le moins un désintérêt pour la célébrité.







Il est certain qu’en très grande partie, ce comportement pourrait lui-même être considéré comme sexuellement typé et résultant de siècles d’éducation incitant les femmes à rester en retrait tandis que les hommes se mettaient en avant.







Mais on perçoit bien que cette analyse peut elle-même être retournée : considérer le fait de se mettre en avant comme intrinsèquement supérieur au fait de rester dans l’ombre, cela ne va pas de soi. Considérer que celles et ceux qui préfèrent rester dans l’ombre, cette attitude serait-elle sexuellement connotée, le feraient forcément du fait d’un sentiment d’illégitimité produit de la domination masculine, c’est peut-être l’ultime avatar, et victoire, de la pensée machiste.







On peut, après tout, n’éprouver aucun intérêt à voir son nom flamboyer sur les murs de Broadway. On peut, comme les constructeurs et les sculpteurs des cathédrales, comme la foule des artistes anonymes, considérer que l’ombre vaut mieux parce qu’elle révèle l’œuvre et qu’il y a plus de dignité, d’honneur et de satisfaction dans l’humilité que dans la course au renom. Peut-être le désir de gloire n’est-il finalement qu’un travers masculin. Et peut-être est-ce s’enfoncer dans cette vision masculine que de mesurer la satisfaction a l’aune de la célébrité.







Si les femmes sont souvent moins vaniteuses que les hommes, ce ne serait donc pas forcément parce qu’elles le subissent mais parfois parce qu’elles le choisissent.







Au moins faut-il ne pas éliminer d’avance cette hypothèse.

















La photo de titre est celle du tableau intitulé Naganampa mantangka minyma tjutaku Tjukurpa ngaranyi alajutu (2018), qu’on traduit par La loi des femmes est vivante sur nos terres, réalisé par un collectif de femmes aborigènes., membres du APY Art Centre Collective.

Belle exposition vue hier à Beaubourg sur les femmes et l’abstraction, qui montre que la place et l’apport des femmes à l’art abstrait ont souvent été sous-estimés, négligés, les artistes femmes étant ainsi souvent victimes du phénomène social d’invisibilisation.







C’est sûrement vrai dans nombre de cas. Celui du Bauhaus, au sein duquel les femmes furent quasi constamment reléguées dans le groupe mercerie, est, de ce point de vue, exemplaire.







C’est sûrement vrai dans nombre de cas mais ça ne l’est pas forcément partout, et c’est là que les choses deviennent intéressantes.

























Certaines des artistes dont les oeuvres sont présentées, notamment celles se réclamant de la théosophie, avaient expressément requis l’anonymat et demandé que leurs oeuvres ne soient rendues publiques qu’après leur mort. D’autres,  parmi lesquelles celles ayant peint le tableau qui figure en illustration de ce papier, intitulée La loi des femmes est vivante sur nos terres, n’ont pas signé leur oeuvre.









Il y a, chez certaines, une volonté de rester dans l’ombre, à tout le moins un désintérêt pour la célébrité.







Il est certain qu’en très grande partie, ce comportement pourrait lui-même être considéré comme sexuellement typé et résultant de siècles d’éducation incitant les femmes à rester en retrait tandis que les hommes se mettaient en avant.







Mais on perçoit bien que cette analyse peut elle-même être retournée : considérer le fait de se mettre en avant comme intrinsèquement supérieur au fait de rester dans l’ombre, cela ne va pas de soi. Considérer que celles et ceux qui préfèrent rester dans l’ombre, cette attitude serait-elle sexuellement connotée, le feraient forcément du fait d’un sentiment d’illégitimité produit de la domination masculine, c’est peut-être l’ultime avatar, et victoire, de la pensée machiste.







On peut, après tout, n’éprouver aucun intérêt à voir son nom flamboyer sur les murs de Broadway. On peut, comme les constructeurs et les sculpteurs des cathédrales, comme la foule des artistes anonymes, considérer que l’ombre vaut mieux parce qu’elle révèle l’œuvre et qu’il y a plus de dignité, d’honneur et de satisfaction dans l’humilité que dans la course au renom. Peut-être le désir de gloire n’est-il finalement qu’un travers masculin. Et peut-être est-ce s’enfoncer dans cette vision masculine que de mesurer la satisfaction a l’aune de la célébrité.







Si les femmes sont souvent moins vaniteuses que les hommes, ce ne serait donc pas forcément parce qu’elles le subissent mais parfois parce qu’elles le choisissent.







Au moins faut-il ne pas éliminer d’avance cette hypothèse.

















La photo de titre est celle du tableau intitulé Naganampa mantangka minyma tjutaku Tjukurpa ngaranyi alajutu (2018), qu’on traduit par La loi des femmes est vivante sur nos terres, réalisé par un collectif de femmes aborigènes., membres du APY Art Centre Collective.

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