Pastilles culturelles Jia
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Retour sur des grands moments de résonance
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La fille qui rendait coup sur coup (Tome 5 de la saga Millenium)
Vous entrez dans un pub chaleureux et retrouvez de vieux amis que vous n’avez pas vu depuis deux ans. Aucun n’a changé, le rendez-vous est agréable, émouvant, plaisant et parfois drôle. C’est l’impression que l’on ressent lors de la lecture du tome 5 de Millénium, La fille qui rendait coup sur coup. Un polar efficace, plein de suspense, mais cependant moins passionnant que le précédent roman.
L’histoire nous plonge dans le passé de Lisbeth Salander, la jeune héroïne geek bien connue des amateurs de la saga, un personnage qui s’est peu à peu hissé au rang d’icône culturelle mondialisée. Plutôt originale à l’origine (Stieg Larsson écrivait au début des années 2000), son identité de pirate informatique autiste a un peu vieilli et elle a même beaucoup de concurrence avec la série Mr. Robot ou encore Black Mirror.
On retrouve aussi avec plaisir le journaliste Mikael Blomkvist désormais très mobilisé pour la survie de son propre journal.
Ce livre est trop bien ficelé, sans prise de risque. En restant trop fidèle à la saga dont il a repris la trame, David Lagercrantz n’apporte aucune variation dans les caractères et les choix de ses personnages. Ironiquement, il aborde le thème de l’inné et de l’acquis dans le comportement des êtres humains. Or, les événement extraordinaires survenus dans les tomes précédents ne semblent pas avoir eu d’effet sur la vie des héros. -
Les loups blessés
Tout commence par un braquage de fourgon blindé qui tourne mal et cause la mort de deux convoyeurs de fonds. Renan Pessac, commissaire de police à Paris,entre alors en scène et part à la chasse des braqueurs. Une enquête qui le mène sur la piste de Matteo Astolfi, un délinquant très expérimenté.
L’intrigue du premier livre de Christophe Molmy, Les loups blessés, est plutôt classique et rappelle le scénario de nombreux polars. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est la minutie avec laquelle l’auteur décrit l’action et les motivations des protagonistes. Il faut dire qu’en tant que chef de l’antigang à Paris, l’homme a de sérieux atouts pour apporter du réalisme à son récit. Il ne s’en prive d’ailleurs pas et l’on apprécie de se voir immergé dans le quotidien des forces de police et dans celui des gangsters.
Et c’est là l’autre atout de ce roman:l’auteur se garde bien de porter un jugement moral. Il parvient à s’éloigner de tout manichéisme dans la présentation des visions du monde qu’ont les personnages. Cette pluralité des points de vue n’est pas sans rappeler le réalisme de la série The Shield ou encore de The Wire.
Le rythme de l’histoire est assez enlevé et le suspense bien au rendez-vous. On regrette néanmoins que certains personnages n’aient pas été d’avantage creusés mais il semble que le choix ait été fait de privilégier l’action et de ne pas noyer le lecteur sous un flot ininterrompu de descriptions. -
La folle enquête de Stieg Larsson
Stockholm, le 28 février 1986 dans la soirée, le premier ministre suédois Olof Palme, qui vient tout juste de sortir du cinéma, est assassiné en pleine rue. Une immense enquête policière est alors lancée et n’a toujours pas aboutie 33 ans après les faits. Ce meurtre est d’autant plus surprenant qu’il intervient en Suède, le pays où les trains arrivent à l’heure et dont le consensus social-démocrate est érigé en modèle. C’est pour assembler ce puzzle gigantesque que Jan Stocklassa a écrit La Folle enquête de Stieg Larsson.
L’auteur s’est appuyé sur le travail mené par le père de la saga Millenium pour tenter d’y voir plus clair. Larsson, en grand spécialiste de l’extrême droite qu’il était, avait déjà bien avancé et identifié les personnes susceptibles d’en vouloir à Olof Palme. Profitant de ces informations et après des années d’investigations, Stocklassa est parvenu à identifier une personne qu’il pense être le tueur : Jakob Thedelin (le nom a été modifié).
Pour parvenir à ses fins, l’écrivain a utilisé des méthodes audacieuses. Il s’est notamment fait passer pour un journaliste afin de rencontrer un intermédiaire très douteux dans la République turque de Chypre du Nord. Il s’est aussi appuyé sur une figure féminine, Lida, dans le but d’obtenir des informations, voire les aveux du tueur.
C’est une plongée vertigineuse dans un complot politique d’envergure internationale qui nous est offerte. Le régime sud-africain de l’Apartheid qui n’aimait pas qu’Olof Palme mette son nez dans son achats d’armes, semble derrière tout ça. Mais on ignore à ce jour qui a pressé la détente. En clair, cette affaire est l’inverse de l’assassinat de JFK où on connaît le tueur mais on a du mal à déterminer le véritable mobile. -
L'ordre du jour
Il m’aura donc fallu trois jours pour lire ce livre. Il est pourtant très court (150 pages), avec de gros caractères. Pourquoi donc ai-je mis autant de temps pour lire ce bouquin d’Éric Vuillard « L’ordre du jour » ? Tout simplement parce que j’ai voulu le savourer, comme on apprécie une bonne bouteille de vin.
Dans ce récit passionnant, auréolé du dernier prix Goncourt, l’auteur revient sur les événements qui préfigurent la seconde guerre mondiale et principalement l’Anschluss.
Ce qui est remarquable dans ce roman, outre qu’il est très bien écrit, c’est qu’il revient sur des faits historiques incontestables en plaçant le lecteur dans les coulisses. Cela change d’un documentaire ou d’un manuel d’histoire dans la mesure où si les faits ne sont pas remis en cause, la perception des événements à l’époque et jusqu’à nos jours est à interroger.
Ainsi Hitler semble accueilli en héros à Vienne suite à l’annexion de l’Autriche, tout paraît, limpide, facile, quasi implacable. Or dans cette journée, rien ne s’est passé comme prévu et les Autrichiens étaient loin d’être aussi enthousiastes que ne le suggèrent les images de cette foule en liesse.
Éric Vuillard insiste également sur l’aplomb des nazis qui sont loin, en 1938, de posséder une armée invincible.
Le livre commence et finit en se tournant vers le monde industriel qui lui aussi cède sans demander son reste aux exigences de Hitler. Un monde bien plus familier qu’il n’y paraît.
La banalité du mal, le thème n’est certes pas nouveau mais l’auteur démontre tout cela avec éclat. C’est tellement agréable qu’il m’aura donc fallu trois jours pour tout encaisser et sûrement encore plus pour tout digérer.