5 min

J'aime les histoires Polaroid 41

    • Relazioni interpersonali

http://polaroid41.com/jaime-les-histoires/

Mardi 1er Décembre, 4h39.

J’aime les histoires

Elle m’appelle il y a quelques jours pour me demander un service.  « Bien sûr, pas de problème ».  Il s’agit de relire ensemble des documents officiels avant leur envoi. Le français n’est pas sa langue maternelle et elle craint d’avoir commis quelques fautes. Le document est un dossier de présentation de sa toute nouvelle compagnie ainsi que de sa prochaine création théâtrale, le tout constituera le corpus d’un dossier de demande de subvention. On se lance dans la relecture. J’avoue que l’idée de lire du texte dans un tableau Excel m’inquiète légèrement, mais il y a des règles et elles sont les mêmes pour tout le monde…

Ses tous premiers mots, en introduction à la présentation de son identité professionnelle de comédienne et porteuse de projet, sont « J’aime les histoires. » S’ensuit évidemment tout le développement  précisant quelles histoires (en l’occurrence toutes, la jeune femme est gourmande) et surtout le pourquoi du comment cette passion pour les histoires la mène aujourd’hui à se lancer dans son nouveau projet. Le propos est absolument clair. On corrige deux fautes ici ou là, un accord de participe passé, et l’inévitable faute de genre que commettent les anglophones. Le français est vraiment une langue redoutable. Bref, tout est parfait selon moi, et je la félicite pour ce très beau travail, moi qui serais bien incapable d’aligner deux phrases correctes en anglais. On se remercie mutuellement, elle pour ma relecture et moi pour la confiance accordée. Mais voilà que depuis quelques jours je repense sans trop savoir pourquoi à la phrase d’introduction « J’aime les histoires. » C’est peut-être un peu naïf, non ? Évidemment, il vaut mieux aimer les histoires si l’on veut faire du théâtre. Je la rappelle ? Et puis non, après tout, c’est sa formulation, sa manière de dire les choses, je ne me sens pas autorisé à intervenir sur le contenu de son texte. Je vais paraître condescendant. Peut-être que je le suis ? Beurk. Et risquer de faire douter mademoiselle S pour une broutille ? Non. Elle est mariée, mais quand nous ne sommes pas d’accord (c’est très rare), je la vouvoie et l’appelle mademoiselle S. Elle m’appelle alors môssieur C en retour, et le ciel vire au gris tout à coup. Le reste du temps on s’appelle par nos prénoms respectifs et il fait beau.

« J’aime les histoires. » En même temps elle est bien cette phrase, hyper claire et directe. Elle explose complètement le tableur Excel. On croirait que quelqu’un vient d’ouvrir la fenêtre sans prévenir et que le vent frais vient de s’engouffrer dans la pièce. Quel crétin-bête… Elle a raison. Le point de départ de tout ça, c’est la passion. Sa passion pour les histoires, les histoires de vies, de femmes, celles qui les vivent, celles qui les racontent. L’émotion la submerge, elle carbure à l’humain. Bref, bien mieux dit que moi et en quatre mots : « J’aime les histoires. » Elle a l’efficacité que je n’aurai jamais. Non mais sincèrement, est-ce qu’on ne tient pas là la réponse parfaite au pourquoi de ce métier. J’imagine la même question posée à une (ou un) fleuriste : Pourquoi avoir choisi d’être fleuriste ?

Réponse : Parce que les fleurs c’est magnifique. Pardon : Parce que j’aime les fleurs tout simplement. Encore pardon : Parce que j’aime les fleurs.

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Polaroid photo et texte intégral disponible sur : http://polaroid41.com/jaime-les-histoires/

http://polaroid41.com/jaime-les-histoires/

Mardi 1er Décembre, 4h39.

J’aime les histoires

Elle m’appelle il y a quelques jours pour me demander un service.  « Bien sûr, pas de problème ».  Il s’agit de relire ensemble des documents officiels avant leur envoi. Le français n’est pas sa langue maternelle et elle craint d’avoir commis quelques fautes. Le document est un dossier de présentation de sa toute nouvelle compagnie ainsi que de sa prochaine création théâtrale, le tout constituera le corpus d’un dossier de demande de subvention. On se lance dans la relecture. J’avoue que l’idée de lire du texte dans un tableau Excel m’inquiète légèrement, mais il y a des règles et elles sont les mêmes pour tout le monde…

Ses tous premiers mots, en introduction à la présentation de son identité professionnelle de comédienne et porteuse de projet, sont « J’aime les histoires. » S’ensuit évidemment tout le développement  précisant quelles histoires (en l’occurrence toutes, la jeune femme est gourmande) et surtout le pourquoi du comment cette passion pour les histoires la mène aujourd’hui à se lancer dans son nouveau projet. Le propos est absolument clair. On corrige deux fautes ici ou là, un accord de participe passé, et l’inévitable faute de genre que commettent les anglophones. Le français est vraiment une langue redoutable. Bref, tout est parfait selon moi, et je la félicite pour ce très beau travail, moi qui serais bien incapable d’aligner deux phrases correctes en anglais. On se remercie mutuellement, elle pour ma relecture et moi pour la confiance accordée. Mais voilà que depuis quelques jours je repense sans trop savoir pourquoi à la phrase d’introduction « J’aime les histoires. » C’est peut-être un peu naïf, non ? Évidemment, il vaut mieux aimer les histoires si l’on veut faire du théâtre. Je la rappelle ? Et puis non, après tout, c’est sa formulation, sa manière de dire les choses, je ne me sens pas autorisé à intervenir sur le contenu de son texte. Je vais paraître condescendant. Peut-être que je le suis ? Beurk. Et risquer de faire douter mademoiselle S pour une broutille ? Non. Elle est mariée, mais quand nous ne sommes pas d’accord (c’est très rare), je la vouvoie et l’appelle mademoiselle S. Elle m’appelle alors môssieur C en retour, et le ciel vire au gris tout à coup. Le reste du temps on s’appelle par nos prénoms respectifs et il fait beau.

« J’aime les histoires. » En même temps elle est bien cette phrase, hyper claire et directe. Elle explose complètement le tableur Excel. On croirait que quelqu’un vient d’ouvrir la fenêtre sans prévenir et que le vent frais vient de s’engouffrer dans la pièce. Quel crétin-bête… Elle a raison. Le point de départ de tout ça, c’est la passion. Sa passion pour les histoires, les histoires de vies, de femmes, celles qui les vivent, celles qui les racontent. L’émotion la submerge, elle carbure à l’humain. Bref, bien mieux dit que moi et en quatre mots : « J’aime les histoires. » Elle a l’efficacité que je n’aurai jamais. Non mais sincèrement, est-ce qu’on ne tient pas là la réponse parfaite au pourquoi de ce métier. J’imagine la même question posée à une (ou un) fleuriste : Pourquoi avoir choisi d’être fleuriste ?

Réponse : Parce que les fleurs c’est magnifique. Pardon : Parce que j’aime les fleurs tout simplement. Encore pardon : Parce que j’aime les fleurs.

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Polaroid photo et texte intégral disponible sur : http://polaroid41.com/jaime-les-histoires/

5 min