4 min

Sénèque, De la vie brève, chapitre 14 Arts Po : Ubi Sunt ?

    • Books

Seuls profitent du repos ceux qui se consacrent à l’étude de la sagesse Seuls ils viventCar non seulement ils profitent de leur part d’existenceMais ils y ajoutent tout l’ensemble des âgesToutes les années qui ont précédé leur premier jour leur sont acquisesA moins d’être particulièrement ingratsles célèbres fondateurs de ces écoles sublimes sont nés pour nousIls nous ont défriché la vieCes admirables connaissances qu’ils ont tirées des ténèbres et mises à jourC’est par leurs travaux que nous y sommes initiésAucun siècle ne nous est interditTous nous sont ouvertsEt si notre esprit par sa grandeur nous porte à nous affranchir des limites de la faiblesse humaineNous pouvons parcourir les vastes horizons du temps







Je peux discuter avec SocrateÊtre sceptique avec CarnéadeJouir du repos avec Épicure  Avec les Stoïciens vaincre la nature humaine Avec les Cyniques dépasser son importanceMarcher enfin d’un pas égal avec la Nature elle-mêmeEtre contemporain de tous les sièclesPourquoide cet intervalle de temps si courtSi incertainNe m’élancerais-je pas vers ces espaces immensesEternelsOù retrouver les meilleurs des sages ?







Les insensés qui Sans cesse en démarchesA rendre d’inutiles devoirsSe privant de reposEt en en privant les autresEt qui se seront livrés tout à leur aise à leur manieauront été frapper chaque jour à toutes les portesn’auront oublié aucune de celles qu’ils auront trouvées ouvertescolportant dans toutes les maisons leurs hommages intéressésDans cette ville immense et agitée de tant d’intérêts différents







Combien de personnes auront-ils pu voir finalementCombien de hauts personnages dont le sommeil les débauches ou la dureté les auront éconduits ? CombienAprès l’ennui d’une longue attenteLeur échapperont en feignant une affaire pressante ? Combien d’autresévitant de paraître dans le vestibule rempli de clientsS’échapperont par quelque issue secrèteComme s’il n’était pas plus malhonnête de s’esquiver que de refuser sa porte







Combien à demi endormisLa tête encore lourde des excès de la veille Combien entrouvriront à peine les lèvres pour balbutierDans un bâillement dédaigneuxCe nom que leur esclave leur souffla mille fois à l’oreilleCelui de ces malchanceux qui ont hâté leur réveil Pour venir attendre le réveil des autres







Mais ceux qui tous les jours ont avec les Zénonles Pythagoreles Démocrite les Aristoteles Théophrasteet tant d’autres précepteurs de la morale et de la science Des relations familièresintimesCeux-là nous pouvons le dire s’attachent à leurs véritables devoirs







Aucun de ces sages ne refuse de les recevoirAucun ne renvoie ceux qui sont venus à luiPlus heureux et plus affectionnés à sa personneAucun ne souffre que vous sortiez de sa compagnie les mains videsLeur porte est ouverte à tousNuit et jour







Aucun d’entre eux ne vous forcera à mourirTous vous en apprendront le secretAucun ne vous fera perdre des annéesChacun y ajoutera les siennes







Nul ne vous compromettra par ses discoursEt aucun dont l’amitié vous mettra en dangerAucun ne vous fera payer cher sa faveur

Seuls profitent du repos ceux qui se consacrent à l’étude de la sagesse Seuls ils viventCar non seulement ils profitent de leur part d’existenceMais ils y ajoutent tout l’ensemble des âgesToutes les années qui ont précédé leur premier jour leur sont acquisesA moins d’être particulièrement ingratsles célèbres fondateurs de ces écoles sublimes sont nés pour nousIls nous ont défriché la vieCes admirables connaissances qu’ils ont tirées des ténèbres et mises à jourC’est par leurs travaux que nous y sommes initiésAucun siècle ne nous est interditTous nous sont ouvertsEt si notre esprit par sa grandeur nous porte à nous affranchir des limites de la faiblesse humaineNous pouvons parcourir les vastes horizons du temps







Je peux discuter avec SocrateÊtre sceptique avec CarnéadeJouir du repos avec Épicure  Avec les Stoïciens vaincre la nature humaine Avec les Cyniques dépasser son importanceMarcher enfin d’un pas égal avec la Nature elle-mêmeEtre contemporain de tous les sièclesPourquoide cet intervalle de temps si courtSi incertainNe m’élancerais-je pas vers ces espaces immensesEternelsOù retrouver les meilleurs des sages ?







Les insensés qui Sans cesse en démarchesA rendre d’inutiles devoirsSe privant de reposEt en en privant les autresEt qui se seront livrés tout à leur aise à leur manieauront été frapper chaque jour à toutes les portesn’auront oublié aucune de celles qu’ils auront trouvées ouvertescolportant dans toutes les maisons leurs hommages intéressésDans cette ville immense et agitée de tant d’intérêts différents







Combien de personnes auront-ils pu voir finalementCombien de hauts personnages dont le sommeil les débauches ou la dureté les auront éconduits ? CombienAprès l’ennui d’une longue attenteLeur échapperont en feignant une affaire pressante ? Combien d’autresévitant de paraître dans le vestibule rempli de clientsS’échapperont par quelque issue secrèteComme s’il n’était pas plus malhonnête de s’esquiver que de refuser sa porte







Combien à demi endormisLa tête encore lourde des excès de la veille Combien entrouvriront à peine les lèvres pour balbutierDans un bâillement dédaigneuxCe nom que leur esclave leur souffla mille fois à l’oreilleCelui de ces malchanceux qui ont hâté leur réveil Pour venir attendre le réveil des autres







Mais ceux qui tous les jours ont avec les Zénonles Pythagoreles Démocrite les Aristoteles Théophrasteet tant d’autres précepteurs de la morale et de la science Des relations familièresintimesCeux-là nous pouvons le dire s’attachent à leurs véritables devoirs







Aucun de ces sages ne refuse de les recevoirAucun ne renvoie ceux qui sont venus à luiPlus heureux et plus affectionnés à sa personneAucun ne souffre que vous sortiez de sa compagnie les mains videsLeur porte est ouverte à tousNuit et jour







Aucun d’entre eux ne vous forcera à mourirTous vous en apprendront le secretAucun ne vous fera perdre des annéesChacun y ajoutera les siennes







Nul ne vous compromettra par ses discoursEt aucun dont l’amitié vous mettra en dangerAucun ne vous fera payer cher sa faveur

4 min