Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle - Patrick Boucheron

Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle - Patrick Boucheron

Patrick Boucheron est né en 1965, à Paris. Après des études secondaires au lycée Marcelin Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) puis au lycée Henri IV (Paris), il entre à l'École normale supérieure de Saint-Cloud en 1985 et obtient l'agrégation d'histoire en 1988. C'est sous la direction de Pierre Toubert qu'il soutient en 1994 à l'université de Paris 1 sa thèse de doctorat d'histoire médiévale, publiée quatre ans plus tard sous le titre Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 1998 (Collection de l'EFR, 239). Maître de conférences en histoire médiévale à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999, puis à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, il fut membre junior de l'Institut universitaire de France de 2004 à 2009. En 2009, il soutient à l'université de Paris 1 une habilitation à diriger des recherches intitulée La trace et l'aura et est élu professeur d'histoire du Moyen Âge dans cette même université en 2012. Il est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l'École française de Rome. Il a été élu la même année professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ».

  1. 4 MARS

    08 - Le sexe du pouvoir : Mâle royaume

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 08 - Le sexe du pouvoir : Mâle royaume Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé Depuis Régine Pernoud et Georges Duby, une tradition, dont l'influence dépasse le cadre historiographique, situe dans la seconde moitié du XIIe siècle, au temps d'Hildegarde de Bingen et d'Aliénor d'Aquitaine, un paradis perdu de la condition féminine. On s'interroge sur le regain actuel d'une veine de recherche désireuse d'aller chercher, dans le passé médiéval, les destins exemplaires de femmes d'exception. Au-delà de la question de la domination symbolique du rang et de l'honneur du queenship, comment évaluer l'effectivité de l'exercice du pouvoir, et passer ainsi de l'archéologie du charisme à la généalogie de la gouvernementalité ? La question débouche sur l'analyse de traditions politiques qui, en France surtout, assigne un sexe aux systèmes de pouvoir : contrairement peut-être à l'empire, le cadre monarchique, et les contraintes qu'il fait peser sur le sang, l'alliance, mais aussi les définitions de genre, impose l'idée d'un mâle royaume. Sommaire L'histoire des sociétés anciennes est-elle aujourd'hui encore un « passé utilisable » ? (Hayden White, Le Passé s'écrit [2014], Paris, 2017) Sexe roi, argent roi : et si c'était plus simple ? « C'était cela qu'il fallait penser : désir, valeur et simulacre » (lettre de Michel Foucault à Pierre Klossowski, hiver 1970) « Les Filles au Moyen Âge » (film de Hubert Viel, 2015) : un revival rohmérien Le Moyen Âge rêvé, paradis perdu de la condition féminine Femmes d'exception, femmes exemplaires, femmes puissantes (Régine Pernoud, La Femme au Moyen Âge, Paris, 1980) La Femme, « une femme », des femmes : le pouvoir du nom « Je crois aussi pouvoir situer vers 1180 le moment où leur condition fut quelque peu rehaussée, où les chevaliers et les prêtres s'accoutumèrent à débattre avec elles » (Georges Duby, Dames du XIIe siècle, Paris, 1995) « Ton esprit est comme un mur battu par l'orage. Où que tu regardes, tu ne trouves nul repos » (lettre de Hildegarde à Bingen à Aliénor d'Aquitaine, 1174 ?) Pour saluer Martin Aurell (Aliénor d'Aquitaine. Souveraine femme, Paris, 2024) La « mauvaise réputation » d'Aliénor d'Aquitaine (Martin Aurell) : sexualité et orientalisation de la débauche, autour de l'affaire d'Antioche (mars-avril 1148) La Marie-Antoinette du XIIe siècle : « Vive et légère, fière et ambitieuse, elle crut ne s'être mariée que pour gouverner et jouir de tous les plaisirs » (Louis-Charles de Lavicomterie, Les Crimes des reines de France depuis le commencement de la monarchie jusqu'à Marie-Antoinette, Paris, 1793) Domina, « souveraine femme » et exercice du pouvoir : archéologie du charisme ou généalogie de la gouvernementalité ? Le précédent ottonien : les dominae imperiales de la fin du Xe siècle (Justine Audebrand, « Impératrices et abbesses : les dominae imperiales ottoniennes (Xe-XIe siècle) », Clio, 53, 2021) Emma et Aliénor : deux princesses étrangères entre deux royaumes Encomium Emmae Reginae : quand l'idée d'empire vient par les femmes (Fanny Madeline) Comme dans l'Énéide de Virgile, une fondation politique impériale qui ne repose pas sur l'identité mais sur l'altérité (Florence Dupont, Rome, la ville sans origine, Paris, 2011) Rang, honneur, statut : le queenship dans le cadre monarchique (Pauline Stafford, Queens, Concubines and Dowagers: The King's Wife in the Early Middle Ages, Leicester, 1998) La reine Adélaïde, « codétentrice d'une royauté à laquelle nous l'avons associée » (lettre de Hugues Capet à l'impératrice Théophano, 988) Princesse, épouse, mère, pacificatrice : les rôles féminins traditionnels de consors regni « Souveraine, elle fait figure d'épouse ; épouse, elle paraît sujette » (Fanny Cosandey, La Reine de France, symbole et pouvoir. XVe-XVIIIe siècle, Paris, 2000) Du queenship à l'empowerment : mesurer l'autorité diplomatique des reines par le nombre de souscriptions d'actes (« Actes écrits des femmes de pouvoir, XIIe-XVe siècle ») Discours sigillaire et dispositions diplomatiques (Lucie Jardot, Sceller et gouverner. Pratiques et représentations du pouvoir des comtesses de Flandre et de Hainaut (XIIIe-XVe siècles), Rennes, 2020) L'agency politique des « femmes au cœur d'hommes » (Marion Chaigne-Legouy) Réseaux, ressources, symboles et tyrannie magicienne (Garance Recoing, Les Reines de Norvège, Rennes, 2025) Réseaux : les équipes de pouvoir de Yolande de Flandre (Michelle Bubenicek, Quand les femmes gouvernent : Yolande de Flandre, droit et politique au XIVe siècle, Paris, 2002) Ressources : la table carnassière de Marguerite de France (Jean-Baptiste Santamaria, Marguerite de France, comtesse de Flandre, d'Artois et de Bourgogne (1312-1382). Une vie de princesse capétienne au temps des Valois, Turnhout, 2022) Symboles : la théâtralité des déplacements de Mahaut d'Artois (Christelle Balouzat-Loubet, Mahaut d'Artois. Une femme de pouvoir, Paris, 2015) Vierges terrestres et Vierge céleste : couples royaux et sursacralisation de l'office royal (Murielle Gaude-Ferragu, La Reine au Moyen Âge. Le pouvoir au féminin, XIVe-XVe siècle, Paris, 2014) L'assimilation théâtrale de la reine vierge au roi déchu « Je suis Richard, ne le savez-vous pas ? » (la reine Elisabeth 1re en 1601) Destitution, délégitimisation et démasculinisation de Richard II en 1399 (Chris Fletcher, Richard II: Manhood, Youth, and Politics, 1377-99, Oxford, 2008) En Angleterre et en Espagne, resserrement ou élargissement des alliances (Jean-Philippe Genet, « Une arme mortelle ? L'alliance royale dans les monarchies d'Occident au XVe siècle », dans Julie Claustre, Olivier Mattéoni et Nicolas Offenstadt dir., Un Moyen Âge pour aujourd'hui. Mélanges offerts à Claude Gauvard, Paris, PUF, 2010) En France, la mystique du sang capétien (Andrew Lewis, Le Sang royal. La famille capétienne et l'État, France Xe-XIVe siècles [1981], trad. franç. Paris, 1986) La crise dynastique de 1316-1328 et l'invention de la loi salique (Ralph E. Giesey, Le Rôle méconnu de la loi salique. La succession royale (XIVe-XVIe siècles), Paris, 2007) De terra à regnum : les humanistes, le genre du royaume et le « sexe viril » du pouvoir Le mâle royaume, jusqu'en 1791 (Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir. L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), Paris, 2006) « On ne peut douter [que le duc de Rohan] n'ait conçu du déplaisir de voir défaillir en sa personne cette généreuse tige, à laquelle tant de force et de gloire promettait l'immortalité » (Sylvie Steinberg, « "Au défaut des mâles". Genre, succession féodale et idéologie nobiliaire (France, XVIe-XVIIe siècles), Annales, HSS, 2012) Une passion politique française : l'exclusion politique des femmes.

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  2. 18 FÉVR.

    07 - Le sexe du pouvoir : L'histoire en puissance : en quête des sorcières

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 07 - Le sexe du pouvoir : L'histoire en puissance : en quête des sorcières Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé La sorcière est aujourd'hui un mythe contemporain, bien éloigné de l'expérience historique des hommes et des femmes pourchassés pour sorcellerie démoniaque du XVe au XVIIe siècle. Les historiennes et les historiens doivent-ils se contenter de le récuser, au nom de leur exigence, plus que jamais légitime, de lutte contre l'instrumentalisation du passé ? On suggère ici de prendre au sérieux l'histoire contemporaine de la construction mythologique de la figure militante de la sorcière dans le contexte transnational des luttes féministes du XXe siècle, tout en la mettant en regard avec nos connaissances actuelles sur la démonologie savante et l'institution sociale de la persécution. C'est dans cet écart que l'on discerne non pas des femmes puissantes mais une mise en puissance de l'histoire des femmes et, partant, de l'histoire des pouvoirs. Loin de chercher à concilier le mythe et l'histoire comme dans la « mythistoire » que proposait Michelet dans La Sorcière en 1862, on suit au contraire ce que Paule Petitier a appelé « la malice du devenir ». Elle fait de la quête des sorcières une défense de l'histoire en puissance, sans qu'il soit besoin de mettre la vérité historique entre guillemets. Sommaire Tremate, tremate le streghe son tornate, Rome, campo de' Fiori, 8 mars 1972 Tornare nelle piazze : féminisme, emplacements et puissance d'agir Qui sont ces sorcières qui reviennent ? (Michelle Zancarini-Fournel, Sorcières et sorciers. Histoire et mythes. Lettre aux jeunes féministes, Paris, 2024) Histoires exemplaires et approximations tactiques : « une vérité à sa ressemblance et à sa seule convenance » ? (Lucien Febvre, « L'histoire dans le monde en ruines », Revue de synthèse historique, 1919) Du monde magique d'Ernesto de Martino (1948) au WITCH des féministes américaines de 1968 : une histoire transatlantique de la mythologie contemporaine de la chasse aux sorcières Survivances de la sorcellerie rurale (Jeanne Favret-Saada, Les Mots, la mort, les sorts, Paris, 1977) Médicalisation et masculinisation des savoirs de l'accouchement ? (Barbara Ehrenreich et Deirde English, Sorcières, Sages-femmes et Infirmières [1973], trad. franç., 2016) Des sorcières de Salem (1692-1693) au maccarthysme : la chasse aux sorcières entre politisation et culture populaire Faut-il toujours ramener un mythe contemporain à ses référents historiques ? (Pascal Ory, « La fabrique moderne des mythes : l'exemple des vampires », dans Dominique Kalifa dir., Les historiens croient-ils aux mythes ?, Paris, 2016) De Vlad III Tepes à Dracula : fictions et frictions d'empire au XVe siècle (Matei Cazacu, L'Histoire du prince Dracula en Europe centrale et orientale (XVe siècle), Genève, 1996) « L'indifférence des historiens à l'égard de ce génocide a frôlé la complicité » : l'histoire savante mise en accusation (Silvia Federici, Caliban et la Sorcière. Femme, corps et accumulation primitive [2004], trad. franç., Paris, 2014) Dans le sillage de #MeToo, entre combat politique et développement personnel : Mona Cholet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes, Paris, 2018 En France, une veine plus littéraire et psychanalytique : la revue Sorcières de Xavier Gauthier (1976) Femmes puissantes ou mise en puissance de l'histoire des femmes ? Plus victimes que puissantes : l'exemple de Michée Chauderon, (Michel Porret, L'Ombre du diable : Michée Chauderon, dernière sorcière exécutée à Genève (1652), Genève, 2009) Retour à Marguerite Porète, d'abord vaincue, puis invaincue (Sean L. Field, Robert E. Lerner, Sylvain Piron dir., Marguerite Porete et le « Miroir des simples âmes » : Perspectives historiques, philosophiques et littéraires, Paris, 2013) Quand le pape croit à la sorcellerie démoniaque : Enrico del Carreto et l'expertise de 1320 (Alain Boureau, Le Pape et les sorciers. Une consultation de Jean XXII sur la magie en 1320 (Manuscrit B.A.V. Borghese 348), Rome, 2004) Possession et ravissement : l'anthropologie scolastique au travail du principe féminin De 1320 à 1420, pourquoi ce « retard à l'allumage » ? (Jean-Patrice Boudet, « La genèse médiévale de la chasse aux sorcières : jalons en vue d'une relecture », dans Le Mal et le diable. Leurs figures à la fin du Moyen Âge, Paris, 1996) En pays de Vaud et en Dauphiné de 1430 à 1530 : sorciers et sorcières (Ludovic Viallet, La Grande Chasse aux sorcières. Histoire d'une répression, XVe-XVIIIe siècles, Paris, 2022) La Vauderie d'Arras, la majesté et l'État princier en puissance (Franck Mercier, La Vauderie d'Arras. Une chasse aux sorcières à l'Automne du Moyen Âge, Rennes, 2006) Le Malleus Maleficarum et le tournant de la démonologie savante (Martine Ostorero, Le Diable au sabbat. Littérature démonologique et sorcellerie (1440-1460), Florence, 2011) Sorcières et sorcellerie, morphologie et histoire (Carlo Ginzburg, Le Sabbat des sorcières [1989], trad. franç. Paris, 1992) « D'où date la Sorcière ? Je dis sans hésiter : "Des temps de désespoir" » (Jules Michelet, La Sorcière, Paris, 1862) Métamorphoses et revenances, « la vie d'une même femme pendant trois cents ans » « Nature qui la fait sorcière » : le principe féminin chez Michelet « Ce qui le retient dans la sorcellerie, c'est une fonction personnalisée » (Roland Barthes, « Préface » à La Sorcière, 1959) De Chateaubriand à Michelet en passant par George Sand : l'écriture hybride « d'un historien mentalement queer » (Paule Petitier, La Pensée sorcière. Michelet, 1862, Paris, 2024) La « malice du devenir » : lire Michelet aujourd'hui, entre renversements internes et inversions symboliques Sorcelleries d'aujourd'hui : une guerre aux femmes ? (Christelle Tarraud dir., Féminicides. Une histoire mondiale, Paris, 2022) Faire l'histoire des expériences passées et des figures imaginaires, sans mettre de guillemets à la vérité (Carlo Ginzburg, Le Fil et les traces. Vrai faux fictif, Lagrasse, 2010).

    1 h 10 min
  3. 4 FÉVR.

    05 - Le sexe du pouvoir : Tu seras un homme : virilités guerrières

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 05 - Le sexe du pouvoir : Tu seras un homme : virilités guerrières Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé L'analyse du travestissement et de la transidentité dans Le Roman de Silence et dans d'autres textes littéraires des XIIIe et XIVe siècles, mais aussi des quelques témoignages de réassignation de genre présents dans l'hagiographie médiévale, permet d'émettre l'hypothèse que dans l'anthropologie chrétienne, le genre apparaît moins comme un attribut d'identité sexuelle auquel on est assigné à la naissance, que comme une capacité d'action et de relation. C'est dans cette perspective qu'on se propose de réexaminer le cas de Jeanne d'Arc qui n'est, au XV siècle, « ni sainte ni transgenre » (Clovis Maillet), mais incarne, parmi d'autres figures, la possibilité, certes minoritaire, pour les femmes de se conduire virilement sur les champs de bataille. Entre pacificatrice et virago, la féminisation de la fonction guerrière s'accompagne d'une promotion de la notion de guerre juste, de Mathilde de Toscane aux femmes fortes pendant les guerres de Religion. Ainsi peut-on penser, avant l'uniformisation de la masculinité militaire à la fin de l'époque moderne, la diversité des virilités guerrières. Sommaire « Tu seras un homme, ma fille » : Nature et Noretur au chevet du chevalier Silence (Peggy MacCracken, Peggy, « "The boy who was a girl": reading gender in the Roman de Silence », The Romanic Review, 85, 1994) Fendre ses dras, braies calcier : fentes, feintes et fraudes (Florence Bouchet, « L'écriture androgyne : le travestissement dans le Roman de Silence », dans Le Nu et le vêtu au Moyen Âge, XIIe-XIIIe siècles, Aix-en-Provence (Senefiance, 47), 2001) Le père, ou Dieu le Père, gardien du passing médiéval : Yde et Olive et Tristan le Nanteuil (Michèle Perret, « Travesties et transsexuelles : Yde, Silence, Grisandole, Blanchandine », Romance Notes, 1984-1985) Penser la transidentité au Moyen Âge : la fabrique du masculin comme élargissement de la capacité d'action (Clovis Maillet, Les Genres fluides. De Jeanne d'Arc aux saintes trans, Paros, 2021) Genus masculinum in femininum transivit : Hildegonde/Joseph Le cas Eugène/Eugénie : « Tu as raison de t'appeler Eugène car tu as agi en homme » Pourquoi Jeanne d'Arc s'habillait-elle en homme ? « Jeanne répondit que ce fut par sa propre volonté, sans aucune contrainte, et que cet habit lui plaisait plus que celui de femme » « Femme, mais vierge » : examen de genre ou examen de virginité ? Davantage putain que sorcière : le dessin du greffier Clément de Fauquemberguer (Claude Gauvard, Jeanne d'Arc. Héroïne diffamée et martyre, Paris, 2025) « Jeanne n'était ni sainte ni transgenre » (Clovis Maillet) Clémence de Rabstens, Marie Robine et les autres : Jeanne n'est pas seule comme femme inspirée (André Vauchez, Les Laïcs au Moyen Âge. Pratiques et expériences religieuses, Paris, 1987) Claude des Armoises, Marie la Ferrone et les autres : Jeanne n'est pas seule non plus comme cheffe de guerre (Colette Beaune, Jeanne d'Arc, Paris, 2024) Guillaume le Berger, ou ce que l'on pouvait accepter de Jeanne La virtus des hommes et des femmes viriles : mesure et maturité « Retourne toi, si tu es un homme » (Chris Fletcher, Richard II: Manhood, Youth, and Politics, 1377-99, Oxford, 2008) Dans les villes également, « le spectacle public de la virilité » (Jean-Dominique Delle Luche, Des amitiés ciblées. Concours de tir et diplomatie urbaine dans le Saint-Empire, XVe-XVIe siècle, Turnhout, 2021) Faire l'amour, faire la paix, faire la guerre « Salut à toi, la plus virile de toutes les femmes ! » : Lysistrata, de la grève du sexe à la guerre des sexes (Aristophane, 411 av. n.è.) Au XVe siècle, des « traités de paix et abstinence de guerre » (Lucie Jardot dans Sophie Lalanne, Didier Lett et Dominique Picco dir., Une histoire des femmes en Europe : des grottes aux Lumières, Paris, 2024) « Dame paix » : la construction du genre féminin pacificateur (Nicolas Offenstadt, Faire la paix au Moyen Âge. Discours et gestes de paix pendant la Guerre de Cent ans, Paris, 2007) Le partage des rôles dans la politique émotionnelle des couples princiers : colère retenue et effusion de larmes Pacificatrices, messagères, espionnes (Jelle Haemers et Lisa Demets, « Espionnes et messagères en guerre au Moyen Âge. Les pratiques du renseignement pendant la Révolte de Flandre (1488-1489) », Clio, 59-1, 2024) A Birka, le guerrier viking était une guerrière (Neil Price, Charlotte Hedenstierna-Jonson et alii, « Viking Warrior Women? Reassessing Birka Chamber grave Bj.581 », Antiquity, 93, 2019) « Au milieu des caresses conjugales » (Orderic Vital) : femmes de croisés et femmes croisées Mathilde de Toscane, virago catholica (Sophie Cassagnes-Brouquet, « Au service de la guerre juste. Mathilde de Toscane (XIe-XIIe siècle) »‪,Clio, 39, 2014) Si les héros revenaient sur terre, ils seraient étonnés : Eustache Deschamps et les nouveaux visages de la guerre Brutalisation des combats et revival chevaleresque La plainte politique de l'amante abandonnée (Florence Alazard, Le Lamento dans l'Italie de la Renaissance. "Pleure, belle Italie, jardin du monde", Rennes, 2010) Sur les remparts et aux combats : femmes fortes et femmes viriles au XVIe siècle (Véronique Garrigues, « Les "femmes viriles". Un genre de transgression pendant les guerres de Religion ? » Dans Laurent Douzou, Sylvène Édouard et Stéphane Gal dir., Guerre et transgressions. Expériences transgressives en temps de guerre de l'Antiquité au génocide rwandais, Grenoble, 2018) Des communautés mixtes de campagne à l'encasernement du XVIIe siècle (John A. Lynn, Women, Armies and Warfare in Early Modern Europe, Cambridge, 2008) Au temps de Fanfan la Tulipe (Hervé Drévillon, « Des virilités guerrières à la masculinité militaire (France, XVIIe-XVIIIe siècles) » dans Anne-Marie Sohn dir., Une histoire sans les hommes est-elle possible ?, Lyon, 2014).

    1 h 3 min
  4. 28 JANV.

    04 - Le sexe du pouvoir : La tyrannie masculine

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 04 - Le sexe du pouvoir : La tyrannie masculine Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé Le droit de cuissage a-t-il existé au Moyen Âge ? Certainement pas comme ius primae noctis, et il faut pour cela suivre la démonstration d'Alain Boureau qui montre comment les controverses sur cette redevance seigneuriale imaginaire au XIXe siècle mettent à l'épreuve la notion même d'ordre social, en miroir entre le Moyen Âge et la modernité. Mais il faut également entendre la leçon de Marie-Victoire Louis, démontrant l'ambivalence des rapports entre le fait et le droit en matière de violences faites aux femmes. Proposant de relancer le programme d'une histoire des mœurs attentive à la libido dominandi qui noue le sexe au pouvoir, et suivant la protestation navrée de Christine de Pizan dans La Cité des dames sur la persistance des voix masculines qui prétendent que femmes veullent estre efforciées, on aborde les cultures et les pratiques du viol à la fin du Moyen Âge. La tyrannie masculine se donne en spectacle. Comment résister à sa contemplation ? À partir de l'analyse du thème iconographique du viol de Lucrèce dans la peinture du XVIe siècle, et de la fascination pour le motif du dévoilement, on suggère qu'il y a également là un enjeu éthique pour la responsabilité de l'historien. Sommaire « Voilà les mœurs qui régnaient dans le temps des croisades » (Voltaire, Essai sur les mœurs, 1756) : le ius primae noctis ou les redevances imaginaires du féodalisme Cullagium, cullage, couillage : du droit à la communauté à l'abus des seigneurs De la Chanson des vilains de Verson (1247) au jurisconsulte Jean Papon (1556) : la « disponibilité conceptuelle » d'une fable historiographique (Alain Boureau, Le Droit de cuissage. La fabrication d'un mythe, XIIIe-XXe siècle, Paris, 1995) Louis Veuillot et Jules Michelet : une controverse sur l'ordre médiéval, « matriciel du contemporain » La fabrique de la modernité : sciences sociales, médiévisme, médiévalisme (Étienne Anheim et Catherine König-Pralong dir., « Le Moyen Âge des sciences sociales », Revue d'histoire des sciences humaines, 2024) Construction nationaliste et pratiques sexuelles : repenser le droit de cuissage (Zrinka Stahuljak, L'Archéologie pornographique. Médecine, Moyen Âge et histoire de France, Rennes, 2018) De Balzac à Voltaire. Faut-il relancer le programme de l'histoire des mœurs ? Une histoire politique de la libido dominandi (Myrtille Méricam-Bourdet, « L'empire du sexe : sexe et pouvoir dans l'Essai sur les mœurs », Revue Voltaire, 14, 2014) « Tuer le mythe du droit de cuissage ne sert sans doute à rien… » : pourquoi faudrait-il sauver l'honneur du Moyen Âge ? (Claude Gauvard, Passionnément Moyen Âge : Plaidoyer pour le petit peuple, Paris, 2023) Droit de cuissage, « fait de cuissage » et droit du plus fort (Geneviève Fraisse, « Le droit de cuissage et la responsabilité de l'historien », Clio, 1996) Sur le droit supposé des hommes à disposer du corps des femmes (Marie-Victoire Louis, Droit de cuissage, France, 1860-1930, Paris, 1994) La silence n'est pas un consentement (Michelle Perrot, Les Femmes ou les silences de l'histoire, Paris, 1998) Les mots pour le dire au XIXe siècle : assiduité, galanterie, privauté « Entre fiction et trivialité » (Geneviève Fraisse), l'usage contemporain de l'expression « droit de cuissage » Faire de l'histoire avec Alain Boureau et Marie-Victor Louis Le « silence déchiré » (Marie-Victoire Louis) et l'initiation « pour l'essentiel une pratique muette » (Michel Foucault) La nuit de noces, initiation féminine de la domination masculine (Aïcha Limbada, La Nuit de noces. Une histoire de l'intimité conjugale, Paris, 2023) « Je n'ai entrevu que des ombres, flottantes, insaisissables » (Georges Duby, Dames du XIIe siècle, Paris, 1996) Comme le bourdonnement d'un frelon : un cas de harcèlement sexuel à Bologne en 1351 (Chloé Tardivel, « Genre, justice et harcèlement sexuel au Moyen Âge », dans Écrire l'histoire du harcèlement sexuel. Les mots pour le dire, Paris-Saclay, 2023) Christine de Pizan « contre ceulx qui dient que femmes veullent estre efforciées » (Le Livre de la cité des dames, éd. Claire Le Nina et Anne Paupert, Paris, 2023) Viol, cri et consentement (Didier Lett, Crimes, genre et châtiments au Moyen Âge. Hommes et femmes face à la justice au Moyen Âge, Paris, 2024) L'obsession des juges pour les « folles dénonciations » (Nicole Gonthier, « Les victimes de viol devant les tribunaux à la fin du Moyen Âge d'après les sources dijonnaises et lyonnaises », Criminologie, 27/2, 1994) Croire ce que dit Marguerite de Thibouville (Peter Ainsworth, « Au-delà des apparences : Jean Froissart et l'affaire de la dame de Carrouges », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 25, 2013) Rape, rapt, raptus : ravissants ravisseurs (Sylvie Joye, La Femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge, Turnhout, 2012) Un crime contre la propriété ? (Didier Lett, Sylvie Steinberg et Fabrice Virgili éd., « Abuser/Forcer/Violer », Clio, 52, 20) Violer une prostituée, violer une vierge : l'inégalité des vies (Iñaki Bazán, « Quelques remarques sur les victimes du viol au Moyen Âge et au début de l'époque moderne », dans Benoît Garnot dir., Les Victimes, des oubliées de l'histoire ?, Rennes, 2000) Viols incestueux et pédocriminalité : crime énorme destructor humane species (Didier Lett, Viols d'enfants au Moyen Âge : Genre et pédocriminalité à Bologne XIVe-XVe siècle, Paris, 2021) Gilles et Jeanne (Jacques Chiffoleau, « Gilles de Rais, ogre ou serial killer ? », L'Histoire, 335, 2008) Gilles de Rais, bête d'extermination à l'école des « Césars dégénérés » Le sexe et la mort : la tyrannie comme machine à jouir travaillant à sa propre destruction (cours du 21 mars 2017 : « Qu'est-ce que préfigurer ? ») « Le rouage du grotesque dans la mécanique du pouvoir » (Michel Foucault, Les Anormaux. Cours au Collège de France, 1974-1975, Paris, 1999) Le « souverain moderne » et les « corps-sexes » (Achile Mbembe, Brutalisme, Paris, 2020) Botticelli, le viol de Lucrèce et le soulèvement républicain Quand la peinture du XVIe siècle transforme un supplice en objet de contemplation (Henri de Riedmatten, Le Suicide de Lucrèce. Éros et politique à la Renaissance, Paris, 2022) La vérité nue : héroïsme viril du dévoilement et éthique du chercheur (Bruno Latour, Cogitamus. Six lettres sur les humanités scientifiques, Paris, 2010).

    1 h 4 min
  5. 21 JANV.

    03 - Le sexe du pouvoir : Les eunuques, ou comment s'en débarrasser

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 03 - Le sexe du pouvoir : Les eunuques, ou comment s'en débarrasser Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé Tandis que son assimilation de la répudiation au divorce suscitait le dépit de ses disciples, le Christ usa pour se faire comprendre, ou plutôt pour se faire obéir (« comprenne qui pourra ») une parabole sur les eunuques (Matthieu, 1, 10-12). Ceux qui sont « nés ainsi du sein de leur mère » posent le problème de la compréhension de l'intersexuation dans les sociétés anciennes et ceux « qui ont été rendus tels par les hommes » celui du châtiment de castration. Mais il y a aussi ceux qui, depuis Origène, « se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux ». Est-ce le cas des clercs ayant renoncé à la chair ? La castration symbolique est un « combat de chasteté » (Michel Foucault) qui met en jeu les catégories de la masculinité et de la virilité. Les eunuques sont donc porteurs d'une énigme théologique et d'un secret politique que les Européens préféreront écarter, au loin, dans la notion de despotisme oriental : c'est ainsi que l'on suivra Orcan, l'eunuque noir, jusqu'à ce lieu tragique par excellence qu'est le sérail de Bajazet. Sommaire « Viens, suis-moi, la sultane en ce lieu se doit rendre » : lever de rideau sur Bajazet (1672) Le sérail, lieu du tragique racinien, à la suite d'Orcan, l'eunuque noir Faux départ et incompréhension des disciples, « Comprenne qui pourra » (Matthieu, 19, 10-12) Peut-on répudier son épouse ? Morale du lignage et morale des prêtres (Georges Duby, Le Chevalier, la Femme et le Prêtre, Paris, 1981) Les eunuques dont parlent Jésus sont-ils vraiment des eunuques ? (Constantin Daniel, « Esséniens et eunuques », Revue de Qumrân, 1968) « Les eunuques, nés ainsi au sein de leur mère » : penser l'intersexuation au Moyen Âge L'épreuve par la génétique, ou le chromosome X et la guerre (Ulla Moilanen, Neil-Johanna Kirkinen Saari et al., « A Woman with a Sword? – Weapon Grave at Suontaka Vesitorninmäki, Finland », European Journal of Archaeology, 2022) « Ceux qui sont hommes et femmes » : monstruosité, diversité, inégalité (Les Monstres des hommes. Un inventaire critique de l'humanité au XIIIe siècle, éd. Pierre-Olivier Ditmar et Maud Pérez-Simon, Paris, 2024) « Avons-nous vraiment besoin d'un vrai sexe ? » (Michel Foucault, préface à Herculine Barbin dite Alexina B, Paris, 1978) « Il y a eu des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes » : engendrement des dieux, châtiment des hommes Castration et circoncision : nekeva juive et incompréhensions chrétiennes Orchidectomie et émasculation dans la pratique médicale médiévale (Laurence Moulinier, « La castration dans l'Occident médiéval », dans Autour de la castration : de l'adultère à la chirurgie régulatrice, Poitiers, 2009) Castration et vengeance privée : Abélard et les malfrats « Tu dois être appelé, non Pierre, mais Pierre l'incomplet » (Roscelin de Compiègne) : castration et changement de nom chez les animaux humains et non-humains « Et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux » : l'erreur de jeunesse d'Origène, Père de l'Église Infertilité, impuissance et débauche : l'impossible martyr de la libido « Rien n'est meilleur que d'être à soi-même son héritier et son épouse » (« Vie d'Antonin Héliogabale », Histoire auguste) La castration d'Origène comme marque des contradictions de l'économie chrétienne de l'engendrement Du testiculum au testis : la chair s'est fait verbe et la chasteté devient féconde (Odon Valet, Le Honteux et le Sacré. Grammaire de l'érotisme divin, Paris, 1998) Le Christ autobasileia et la théologie du suicide (Pierre-Emmanuel Dauzat, Le Suicide du Christ. Une théologie, Paris, 1998) Le « sexe de vent » du Christ mort (Jérôme Baschet et Jean-Claude Schmitt, « La "sexualité" du Christ », Annales ESC, 1991) L'un et l'autre sexe de Jésus (Carolyn Bynum, Jesus as mother. Studies in the Spirituality of the High Middle Ages, Berkeley, 1984) L'ostentatio genitalis : humanation et tentations du Christ (Léo Steinberg, La Sexualité du Christ dans l'art de la Renaissance et son refoulement moderne, Paris, 1987) Que faire de son sexe ? Le « combat de chasteté » des maris et des prêtres « C'est la forme involontaire d'un mouvement qui fait du sexe le sujet d'une insurrection et l'objet du regard » (Michel Foucault, Les Aveux de la chair, Paris, 2018) Histoires de consentement (Manon Garcia, La Conversation des sexes. Philosophie du consentement, Paris, 2021) Usage des corps et coupure grégorienne (Peter Brown, Le Renoncement à la chair. Virginité, célibat et continence dans le christianisme primitif, Paris, 1995) Castration, infirmité et handicap au miroir des suppliques pontificatles (Ninon Dubourg, « Émasculations cléricales. Itinéraires particuliers pour aborder l'identité du clerc émasculé (XIIe-XVe siècle) », Encyclo. Revue de l'école doctorale Sciences des Sociétés ED 624, 2014) Lapsus carnis entre discours politiques et pratique sociale (Julien Théry « L'incontinence de la chair. Révolution pastorale et contrôle pontifical de la hiérarchie cléricale au second Moyen Âge (12e-15e siècles) », Cahiers d'histoire, 2020) Le prêtre peut-il être un bon père de famille ? (Michelle Armstrong-Partida, « Concubinage clérical, familles cléricales et masculinité sacerdotale dans la Catalogne du XIVe siècle », Cahiers de Fanjeaux, 2019) Mâle sacrifié maîtrisant le sexe du pouvoir, le prêtre est le plus viril des hommes (Robert N. Swanson, « Angel incarnate: clergy and masculinity from gregorian reform to reformation », dans Dawn Marie Hadley dir., Masculinity in medieval Europe, Londres, 1999) « À l'insu de l'abbé, il faut le souhaiter » (Roland Barthes, « Iconographie de l'abbé Pierre », dans Mythologies, Paris, 1957) Resacerdotalisation et surcharge viriliste dans l'Église contemporaine (Josselin Tricou, Des soutanes et des hommes : enquête sur la masculinité des prêtres catholiques, Paris, 2021) Au Moyen Âge, la longue robe des clercs et des juges (Robert Jacob, La Grâce des juges. L'institution judiciaire et le sacré en Occident, Paris, 2014) Généalogie du monstre ou monstre généalogique (Vincent Azoulay, « Xénophon, le roi et les eunuques », Revue française d'histoire des idées politiques, 2000) À Byzance, les eunuques au palais, ou le troisième sexe (Georges Sidéris, « Une société de ville capitale : les eunuques dans la Constantinople byzantine (IVe-XIIe siècle) », dans Les villes capitales au Moyen Âge. Actes du 36e Congrès de la SHMESP, Paris, 2005 Esclavage, liberté et expertise : le « politique neutralisé » (Paulin Ismard, La Démocratie contre les experts. Les esclaves publics et Grèce ancienne, Paris, 2015) Le harem, « sous le signe d'un absolu monarchique et viril » (Jocelyne Dakhlia, Harems et Sultans. Genre et despotisme au Maroc et ailleurs, XIVe-XXe siècle, Toulouse, 2024) « La vérité est qu'il reste hommes » (Al-Mas'udi) : fantasmes, faux mystères et mobilité sociale Eunuques noirs et eunuques blancs après 1550 Le « savoir jouir » du tyran (Alain Grosrichard, Structure du sérail. La fiction du despotisme asiatique dans l'Occident classique, Paris, 1979) Du despotisme politique au despotisme familial (Nadia Tazi, Le Genre intraitable. Politiques de la virilité dans le monde musulman, 2019) Orcan, l'esclave noir de Bajazet, et la violence faite aux femmes « À mille ans ou à mille lieux de nous, ce qui n'est encore dans aucune histoire imprimée » (Jean Racine, préface à Bajazet).

    1 h 3 min
  6. 14 JANV.

    02 - Le sexe du pouvoir : Le désordre des pères

    Patrice Boucheron Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle Collège de France Année 2024-2025 02 - Le sexe du pouvoir : Le désordre des pères Intervenant : Patrick Boucheron Professeur du Collège de France Résumé Le concept sociologique et anthropologique de patriarcat, qui est devenu un nom de combat dans les luttes contemporaines pour les luttes féministes, peut-il s'appliquer au Moyen Âge ? On pourrait le croire, tant le concept de paternitas configure sémantiquement l'ensemble des relations de domination. Mais dès lors qu'on s'intéresse à la fois au fonctionnement réel des systèmes de parenté au Moyen Âge et aux valeurs et aux imaginaires qui les fondent, les choses se compliquent. Notamment lorsqu'on affronte la figure de Dieu le Père, et de tout ce qui, dans le système de l'Église, n'a pas évacué la part du féminin, ce qui n'est pas sans effet sur la conception des rapports entre génération et production. En étudiant notamment les paradoxes de l'anthropologie chrétienne de l'engendrement, et en repérant certaines de ses conséquences sur la gouvernementalité, on suggère qu'il y a, là encore, un ferment davantage qu'un ciment. Sommaire Le patriarcat, « ennemi principal » (Christine Delphy) : définitions Bachofen, Morgan, Engels : le matriarcat et ses « découvertes à répétition » (Émilie Hache) La gynocratie idéale de Marija Gambutas Femme génitrice et mère nourricière (Julien d'Huy, Cosmogonies. La préhistoire des mythes, Paris, 2020) Dominus : sur la piste de Dieu le Père Obéissance maritale et ordre social dans Le Jeu d'Adam (Joseph Morsel, « Dieu, l'homme, la femme et le pouvoir. Les fondements de l'ordre social d'après le "Jeu d'Adam" » dans Monique Goullet et alii dir., Retour aux sources. Textes, études et documents d'histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, 2004) Paternitas : archéologie textuelle et sémantique historique (Nicolas Perreaux, « In nomine patris. Éléments pour une sémantique de la paternité médiévale », dans Léo Dumont, Octave Julien et Stéphane Lamassé dir., Histoire de mots. Saisir le passé grâce aux données textuelles, Paris, 2023) La fausse symétrie dominus/servus et pater/filius et l'épreuve du vouvoiement Le patriciat comme forteresse imprenable : du Nom-du-Père chez Jacques Lacan au pallogocentrisme de Jacques Derrida « Ce gouvernement qui ressemblait à mon père » (Pierre Legendre, Leçons VIII. Le crime du caporal Lortie. Traité sur le Père, Paris, 1989) Mourir pour la patrie : du Vitae necisque potestas du droit romain au « Petit père des peuples » (Ernst Kantorowicz, Yann Thomas et Giorgio Agamben) Les topolignées et l'inflexion agnatique d'un système de parenté indifférenciée (Anita Guerreau-Jalabert, « La Parenté dans l'Europe médiévale et moderne : à propos d'une synthèse récente », L'Homme, 1989) Retour sur terre et dans les choses : Dieu est dominus en tant qu'il est « créateur de toutes choses » (Hugues de Saint-Victor) Le principe masculin d'une production du monde ex nihilo (Émilie Hache, De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production, Paris, 2024) Sur la notion d'androcène, entre « essentialisme stratégique » et croyance politique Du Dieu un au Dieu unique : quand Yahvé devient célibataire (Thomas Römer, L'Invention de Dieu, Paris, 2014) Où est passé Ashérah, la déesse de Yahvé ? (Mary Daly, Beyond God the Father: toward a philosophy of women's liberation, Boston, 1973) « Comme une femme en travail, je vais souffler, respirer et aspirer à la fois » (Isaïe) : Dieu notre mère engendre la communauté Masculum et feminam creavit eos (Genèse, 1, 27) : Dieu crée l'homme à son image, masculin et féminin Expulser la part féminine de Dieu : l'antijudaïsme chrétien et l'obsession des flux de sang La haine de la faille identitaire (Daniel Sibony, L'Énigme antisémite, Paris, 2004) Et pourtant : le « postulat unisexe » de l'Église (Luca Castiglioni, Filles et fils de Dieu. Égalité baptismale et différence sexuelle, Paris, 2020) Une figure inattendue du patriarcat : le sein d'Abraham (Jérôme Baschet, Le Sein du père. Abraham et la paternité dans l'Occident médiéval, Paris, 2000) Le pli : sinus, entre intériorité et sinuosité « Vierge mère, fille de ton fils » (Dante, Paradis, XXXIII) : le signum contradicibile dans l'anthropologie chrétienne de la génération « Par sa manière d'aimer, le Père a acquis ce qui est caractéristique de la nature féminine » (Clément d'Alexandrie) L'Église est sa propre Mère, et son fils, qui est en même temps son père, est aussi son époux (Pierre-Emmanuel Dauzat, Les Pères de leur Mère. Essai sur l'esprit de contradiction des Pères de l'Église, Paris, 2000) « À son seigneur, ou plutôt à son père, à son époux, ou plutôt à son frère, sa servante, ou plutôt sa fille, son épouse, ou plutôt sa sœur… » : Héloïse à Abélard Le regimen et l'indignité au pouvoir (Jacques Dalarun, Gouverner c'est servir. Essais de démocratie médiévale, Paris, 2006) Sicut mater : François d'Assise rêve d'une petite poule noire (Jacques Dalarun, François d'Assise ou le pouvoir en question. Principes et modalités du gouvernement dans l'Ordre des frères mineurs, Bruxelles, 1999) Une mère poule dévorante : les déboires du Re Chichinella (Emma Dante) Masculinités déconstruites et domination sociale « Drill, baby, drill » : pour une archéologie du désordre des pères

    1 h 4 min

    Notes et avis

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    4 notes

    À propos

    Patrick Boucheron est né en 1965, à Paris. Après des études secondaires au lycée Marcelin Berthelot (Saint-Maur-des-Fossés) puis au lycée Henri IV (Paris), il entre à l'École normale supérieure de Saint-Cloud en 1985 et obtient l'agrégation d'histoire en 1988. C'est sous la direction de Pierre Toubert qu'il soutient en 1994 à l'université de Paris 1 sa thèse de doctorat d'histoire médiévale, publiée quatre ans plus tard sous le titre Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècles), Rome, École française de Rome, 1998 (Collection de l'EFR, 239). Maître de conférences en histoire médiévale à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999, puis à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, il fut membre junior de l'Institut universitaire de France de 2004 à 2009. En 2009, il soutient à l'université de Paris 1 une habilitation à diriger des recherches intitulée La trace et l'aura et est élu professeur d'histoire du Moyen Âge dans cette même université en 2012. Il est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l'École française de Rome. Il a été élu la même année professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ».

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