Corée du Sud: YouTube est le nouveau terrain des fake news dans un pays très méfiant des médias
En Corée du Sud, le phénomène de la désinformation se décline à travers YouTube. La plateforme de vidéo américaine est massivement utilisée au « pays du matin calme » et notamment pour des contenus politiques. Un véritable fléau dans un pays hyperconnecté et peu armé face aux fake news.
De notre correspondant à Séoul,
Il est 18 heures, heure de pointe du métro de Séoul. La plupart des passagers ont les yeux rivés sur leurs téléphones et regardent les informations. Mais sur les écrans, pas de journal télévisé : une personne ou deux devant une petite table et un micro, dans son salon. En Corée du Sud, les podcasts politiques d'information sur YouTube sont devenus une alternative plébiscitée. Un ton plus incisif, plus contestataire que les journalistes, qui connaît un franc succès.
Mais la frontière entre information et mensonge est souvent fine. Jin Minjung est chercheuse au Centre de presse coréen et travaille sur les fake news et l'éducation aux médias en Corée. Elle nous explique comment ces podcasts sont devenus un canal de désinformation.
« YouTube est massivement utilisé en Corée du Sud, 97 % des habitants disent regarder régulièrement du contenu sur la plateforme, explique-t-elle. Au-delà du divertissement, ils y regardent notamment des contenus politiques. Il y a énormément de vidéos et des podcasts traitant de l'actualité et qui diffusent des informations erronées, voire totalement fausses. Tous les bords politiques y ont recours, mais il existe certains réseaux de désinformation. L'extrême droite chrétienne, qui en plus a un bon écho auprès des seniors, est l'un de ces groupes importants diffusant des fausses informations anti-LGBT ou anti-immigration ».
« La Corée du Sud est extrêmement vulnérable aux fausses informations »
La Corée du Sud est l'un des pays avec le moins de confiance dans ses médias, un peu plus de 30 % des coréens disent croire les médias traditionnels, accusés de biais ou de mensonge. Nombreux sont ceux qui ont alors créé ou se sont tournés vers des médias alternatifs sur YouTube. Certaines chaînes ne comptent que quelques centaines de vues, d'autres en ont des centaines de milliers.
« La Corée du Sud est extrêmement vulnérable aux fausses informations : presque tout le monde utilise internet. Avec un réseau aussi dense, les fake news se répandent très rapidement. Et comme l'éducation aux médias est encore très faible, que ce soit chez les plus jeunes ou les plus âgés, les gens ne font pas attention et ne sont pas critiques de ce qu'ils lisent ou regardent », raconte Jin Minjung.
Un terreau propice aux fausses informations, le tout renforcé par le manque cruel de législation en la matière. En 2024, aucune loi ne condamne la propagation de fausses informations, sauf en période électorale.
« Compte tenu de notre situation, il est inévitable de réguler et YouTube en premier lieu, opine la chercheuse. Il faut, comme en Europe, créer une loi qui demande la suppression des contenus nuisibles. Les médias ont aussi un rôle important dans la lutte contre les fake news. Lorsque je compare la France et la Corée du Sud par exemple, je remarque que les journalistes français sont attachés à la mission de service public de leur métier et on voit de nombreux services de fact-checking. Ce n'est pas du tout le cas en Corée. Il faut que le pays se dote d'un arsenal clair pour lutter contre la désinformation. »
Lors des dernières élections législatives au mois d'avril, près de 400 personnes ont été interpellées pour diffusion de fausses informations.
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- Published30 July 2024 at 11:10 UTC
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