Philosophie du langage et de l'esprit - François Recanati

Philosophie du langage et de l'esprit - François Recanati

La chaire Philosophie du langage et de l'esprit héberge l'enseignement du titulaire, le Pr Recanati, ainsi que les colloques, séminaires et journées d'étude de la chaire, et les conférences des professeurs invités. Les domaines couverts par cet enseignement et ces manifestations relèvent de la philosophie analytique, et plus spécifiquement des deux sous-disciplines mentionnées dans l'intitulé de la chaire : la philosophie du langage et la philosophie de l'esprit, la première entretenant des liens étroits avec la linguistique contemporaine, et la seconde avec les sciences cognitives.

  1. FEB 10

    06 - La dynamique cognitive - La norme strawsonienne et les concepts indexicaux

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 06 - La dynamique cognitive - La norme strawsonienne et les concepts indexicaux Intervenant(s) : François Recanati Professeur du Collège de France - Philosophie du langage et de l'esprit Résumé : Selon une seconde hypothèse, la relation R qui fait de deux concepts privés (les dossiers mentaux de deux individus distincts) des instances du même concept partagé est tout simplement le fait que les deux dossiers se rapportent à la même chose. Cette hypothèse « référentialiste », que nous avons rejetée comme principe d'individualisation des concepts privés, se révèle beaucoup plus acceptable si on l'applique aux concepts partagés. Selon cette hypothèse, il suffit, pour que deux sujets distincts puissent être dits partager un concept, que chacun de ces sujets possède un concept (un dossier mental) quelconque se rapportant à la même chose que celui de l'autre. Ou plus exactement : cela suffit dans les cas normaux. Les cas normaux sont ceux où ce que j'appelle la norme strawsonienne est respectée. La norme strawsonienne demande qu'il y ait une correspondance bi-univoque entre les entités de l'environnement que le sujet se représente, et les dossiers mentaux au moyen desquels il se les représente. Elle implique que, quelle que soit l'entité représentée, un sujet rationnel doit se représenter cette entité à travers un et un seul dossier mental. Lorsque la norme strawsonienne n'est pas respectée par l'un des sujets candidats au partage conceptuel, le fait que les dossiers mentaux en jeu soient coréférentiels ne suffit plus à garantir le partage. Une condition supplémentaire doit alors être remplie : il faut que le contenu des concepts soit suffisamment semblable dans les deux cas. La norme strawsonienne, toutefois, n'est pas universellement acceptée. Il y a une conception rivale que j'ai moi-même défendue dans le passé et selon laquelle, lorsqu'un sujet se rend compte que deux dossiers mentaux coréfèrent, il doit non pas fusionner les deux dossiers mais les « lier » de façon que l'information puisse circuler librement entre eux. L'existence d'une pluralité de dossiers coréférentiels n'est pas forcément une erreur, selon cette conception rivale, mais peut traduire simplement le fait que l'objet unique auquel les dossiers en question font référence nous apparaît sous des perspectives distinctes qui sont tout autant légitimes l'une que l'autre. Les concepts indexicaux incorporent de telles perspectives contextuellement changeantes. Les dossiers mentaux correspondants, parce qu'ils sont fondés sur une certaine relation contextuelle à l'objet, sont des dossiers temporaires qui ne sont disponibles pour penser à un objet que tant que nous sommes dans cette relation avec lui. Quand la relation change (quand le contexte change), nous devons recourir à un autre dossier mental pour continuer de penser à l'objet. Mais, comme beaucoup d'auteurs l'ont souligné, le changement de perspective sur l'objet qui se traduit par le remplacement d'une expression indexicale (« aujourd'hui ») par une autre (« hier ») n'affecte pas plus la stabilité du concept sous-jacent que ne le fait le changement de conception. Contrairement à ce que je soutenais antérieurement, la perspective indexicale n'entre pas en ligne de compte dans l'individualisation du concept, identifié au dossier mince. Elle relève du dossier épais, tout comme la conception. Or ce que la norme strawsonienne proscrit, à juste titre, c'est l'existence simultanée d'une pluralité de dossiers minces se rapportant au même objet.

    1h 22m
  2. FEB 3

    Séminaire - Maryam Ebrahimi Dinani : Les actes communicatifs en deuxième personne. Les leçons de Reinach et Reid

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 Séminaire - Maryam Ebrahimi Dinani : Les actes communicatifs en deuxième personne. Les leçons de Reinach et Reid Intervenant(s) : Maryam Ebrahimi Dinani Résumé : Dans « Intention and Convention in Speech Acts », Strawson a soutenu de manière influente une distinction entre les actes essentiellement conventionnels et les actes communicatifs : les actes conventionnels reposent sur des conventions extralinguistiques pour leur exécution réussie ; les actes communicatifs n'en dépendent pas. En m'inspirant des conceptions des actes sociaux d'Adolf Reinach (1913) et de Thomas Reid (1785), je propose d'introduire une distinction au sein de la catégorie des actes communicatifs/non conventionnels, entre ceux qui sont essentiellement sociaux ou en deuxième personne (second-personal) et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers ne requièrent pas d'assurer la réception pour être réussis ; les premiers, en revanche, dépendent d'attitudes conjointes (joint attitudes) pour leur réalisation. J'adopterai le concept d'actes communicatifs en deuxième personne comme catégorie fondamentale dans la classification des actes illocutoires et mettrai en évidence les bénéfices qu'il y a à fonder cette classification sur les aspects en deuxième personne de la communication.

    1h 26m
  3. FEB 3

    05 - La dynamique cognitive - Les dossiers mentaux comme « continuants »

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 05 - La dynamique cognitive - Les dossiers mentaux comme « continuants » Intervenant(s) : François Recanati Professeur du Collège de France - Philosophie du langage et de l'esprit Résumé : Selon la perspective « véhiculariste », deux concepts coréférentiels sont le même concept si et seulement si le véhicule (le dossier mental mince) est le même. La conception (le contenu du concept) peut varier, cela n'affecte pas l'identité du concept, car celui-ci est individualisé non par le contenu mais par le véhicule. Reste à dire comment, dans cette perspective, on individualise les dossiers mentaux eux-mêmes. Qu'est-ce qui fait que deux dossiers mentaux coréférentiels sont le même ou qu'ils sont différents ? On ne peut évidemment pas répondre à cette question en invoquant la référence ou la conception véhiculée, car ce serait un retour aux modes d'individualisation du concept qui ont été précédemment rejetés. En tant que véhicule, le dossier mental mince est un « continuant » : un particulier qui persiste à travers le temps, et notamment à travers la variation des conceptions que le dossier véhicule à différents moments. Une thèse répandue concernant l'individualisation des particuliers invoque l'origine : deux particuliers sont le même s'ils ont la même origine. S'inspirant de Sainsbury et Tye (2012), on peut adapter cette conception au cas des dossiers mentaux, et soutenir qu'un dossier mental est individualisé par l'événement cognitif qui préside à l'ouverture de ce dossier. Reste que les concepts (et les pensées qui sont des assemblages de concepts) peuvent être partagés entre différents individus. Il n'y aurait pas d'accord ou de désaccord possible entre différents sujets si ce n'était pas le cas. C'est la raison pour laquelle Sainsbury et Tye soutiennent (comme le faisait Frege et comme le font la plupart des philosophes) que les concepts sont une réalité supra-individuelle. Je propose quant à moi d'inverser la terminologie et d'appeler concept plutôt la réalité psychologique de base, c'est-à-dire le dossier mental, individualisé par son origine dans la vie mentale du sujet. Les concepts dans cette perspective ne peuvent être partagés, puisqu'ils appartiennent à la vie mentale d'un individu particulier. Mais on peut définir une notion de « concept partagé » comme classe d'équivalence de concepts privés. Deux concepts privés distincts font partie d'une telle classe d'équivalence, et sont donc des instances d'un seul et même concept partagé, lorsqu'il y a entre eux une certaine relation R, à définir. Une première théorie possible définit la relation R comme l'appartenance à un même réseau de dossiers mentaux interconnectés grâce à un mot du langage public. Cette façon de concevoir la relation R a certains avantages, mais elle se heurte à une objection majeure : il n'est pas nécessaire de partager un langage pour partager un concept. Dans le cours suivant, d'autres façons de concevoir la relation R sont donc envisagées.

    1h 20m
  4. JAN 27

    04 - La dynamique cognitive - Concept et mode de présentation

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 04 - La dynamique cognitive - Concept et mode de présentation Intervenant(s) : François Recanati Professeur du Collège de France - Philosophie du langage et de l'esprit Résumé : Dans un cas frégéen, un sujet rationnel peut croire qu'une certaine entité possède la propriété F, et, dans le même temps, refuser de croire que cette même entité possède la propriété F. Il s'ensuit que les concepts, les constituants des pensées, ne sont pas individualisés par leur référence. L'argument de Frege en faveur de cette conclusion peut se résumer de la façon suivante : on ne peut pas individualiser les concepts par leur référence, car si on le pouvait, l'identité de référence impliquerait, dans les cas frégéens, l'identité des concepts, et l'identité des concepts entraînerait à son tour l'identité des pensées, et donc la violation de la contrainte cognitive selon laquelle un sujet rationnel ne peut simultanément adopter des attitudes contradictoires (l'acceptation et le rejet) vis-à-vis de la même pensée. Selon Frege, les concepts ne sont pas individualisés par leur seule référence mais par la référence plus autre chose, que Frege nomme le mode de présentation. De quoi s'agit-il exactement ? Dans tous les exemples de cas frégéens, le sujet dispose de deux dossiers mentaux distincts se rapportant à la même entité (sans se rendre compte qu'il s'agit de la même entité). Cela suggère que le quelque chose en plus, jouant le rôle de mode de présentation, c'est le dossier mental : si l'on change le dossier mental, on change le concept, même si la référence est la même. Mais il y a une ambiguïté dans cette notion de dossier mental. Dans le cours précédent, j'ai proposé de distinguer deux choses : le dossier en tant que tel – que l'on peut appeler le véhicule – et la conception qui est le contenu du dossier. Cette distinction révèle l'ambiguïté dont je parle : on peut entendre, par dossier mental, soit le dossier en tant que tel, indépendamment du contenu qu'il véhicule (le dossier « mince »), soit le dossier pourvu d'un certain contenu (c'est-à-dire l'ensemble véhicule + contenu, que j'appelle le dossier « épais »). Cette distinction étant posée, on montre que ce qui joue le rôle de mode de présentation, c'est le dossier mental épais, et non le dossier mental mince. Cette conclusion est-elle compatible avec l'idée que le contenu d'un concept (la conception) n'est pas constitutif de celui-ci et ne sert pas à l'individualiser ? Oui, à condition de distinguer le concept (identifié au dossier mental mince) et le mode de présentation (identifié au dossier mental épais et intégrant la conception). Le mode de présentation, dans cette perspective, c'est une phase, ou tranche temporelle, du concept, phase caractérisée entre autres choses par la conception véhiculée par le concept au moment dont il s'agit.

    1h 10m
  5. JAN 20

    Séminaire - Bruno Langlet : À quoi l'on pense. Pertinence et difficultés de la théorie meinongienne des attitudes assomptives

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 Séminaire - Bruno Langlet : À quoi l'on pense. Pertinence et difficultés de la théorie meinongienne des attitudes assomptives Intervenant(s) : Bruno Langlet Université Bordeaux-Montaigne Résumé : Les attitudes assomptives théorisées par Meinong sont des attitudes mentales portant sur des états de choses, factuels ou non, qu'elles qualifient positivement ou négativement, mais sans impliquer, à leur propos, le type de conviction caractéristique des jugements et des croyances. La supposition, la considération, la simulation, les variétés de l'imagination, la réflexion en termes de conditionnels contrefactuels, la présomption peut-être, ou encore la contemplation, la formation d'hypothèses, la construction de modèles, celle d'expériences de pensée, entre autres possibilités, mais aussi certaines formes du sentiment, comme celles impliquées dans des scènes de fiction ou dans la motivation du désir, semblent entretenir une certaine parenté avec les assomptions meinongiennes, voire en être des cas. Leurs relations sont toutefois à clarifier, car c'est peut-être justement trop demander à ce type d'acte mental, ou le mécomprendre, que de le considérer comme un ingrédient commun à toutes ces manières de penser. Meinong attribuait certes une très large portée à l'assomption, mais affirmait surtout, contre les positions de ses contemporains (Brentano, Marty, Husserl, Russell), qu'une place devait lui être ménagée, en tant qu'attitude mentale authentique, aux côtés des représentations, des jugements, des sentiments et des désirs. Il la considérait comme essentielle à nombre d'activités ordinaires, ainsi qu'à celles qui sont plus complexes cognitivement et intellectuellement parlant, et la tenait surtout pour un mode fondamental et décisif du rapport entre l'esprit et ses divers objets, inéliminable, mais le plus souvent mal compris ou ignoré. Il lui faisait revêtir un caractère décisif pour la théorie de l'appréhension des objets de pensée et son articulation avec la psychologie, la théorie de la connaissance, et la théorie de l'objet. Nous reviendrons sur ces points et essaierons de montrer comment cette perspective meinongienne peut se rapporter à certains débats contemporains.

    1h 10m
  6. JAN 20

    03 - La dynamique cognitive - La thèse référentialiste

    François Recanati Philosophie du langage et de l'esprit Collège de France Année 2024-2025 03 - La dynamique cognitive - La thèse référentialiste Intervenant(s) : François Recanati Professeur du Collège de France - Philosophie du langage et de l'esprit Résumé : Qu'est-ce qui fait d'un concept le concept qu'il est ? Qu'est-ce qui distingue, par exemple, mon concept de tigre de mon concept de chat ? Est-ce ce à quoi le concept se rapporte ou bien est-ce la conception que s'en fait le sujet ? Selon la thèse référentialiste, la première réponse est la bonne. Certes, ces deux choses, la référence et la conception, vont normalement de pair. Mon concept de tigre se rapporte aux tigres ET, pour cette raison même, son contenu inclut les caractéristiques des tigres : les différences objectives, au niveau de la référence du concept, entre les tigres et les chats se reflètent dans les conceptions associées respectivement à ces deux concepts. Mais s'il est vrai que les deux choses – la référence et la conception – vont normalement de pair, elles peuvent ne pas s'accorder, dans la mesure où la conception peut être erronée, voire massivement erronée. Il en va ainsi dans l'exemple des chats-robots évoqué dans le premier cours. Ce type d'exemple suggère que le concept est individualisé par sa référence, déterminée par des facteurs environnementaux, et non par la conception que s'en fait le sujet qui déploie le concept. L'intérêt du point de vue référentialiste, selon lequel un concept est individualisé par sa référence, est de garantir la stabilité du concept en dépit de la variabilité du contenu. On illustre cette stabilité à partir d'un exemple bien connu, issu des travaux de Tyler Burge : l'exemple du concept d'arthrite qu'un patient ignorant hérite de son médecin malgré la différence radicale de leurs conceptions respectives. La thèse référentialiste implique qu'il ne peut y avoir deux concepts distincts se rapportant à la même chose (puisque le fait de se rapporter à la même chose ferait automatiquement de ces concepts le même concept). Or, la possibilité d'une pluralité de concepts-types distincts se rapportant à la même chose est une des affirmations bien connues de Gottlob Frege. Pour rendre compte des exemples invoqués par Frege (les « cas frégéens » dont j'ai parlé en détail dans mes cours de 2019 à 2021), on peut tenter de relativiser la thèse selon laquelle il ne peut y avoir deux concepts-types distincts se rapportant à la même chose. Cette thèse s'appliquerait seulement aux concepts « atomiques », qui seraient bien individualisés par leur référence, contrairement aux concepts composés qui sont individualisés par leurs constituants et la façon dont ils sont combinés. Mais la thèse référentialiste ne peut être maintenue, même sous cette forme limitée : il est en effet facile de produire des exemples de concepts atomiques distincts se rapportant à la même chose. L'existence de cas de ce type montre qu'on ne peut individualiser les concepts par leur seule référence : ce que Frege appelle le mode de présentation compte aussi.

    1h 15m

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