01 - La dynamique cognitive - Le contenu des concepts
François Recanati
Philosophie du langage et de l'esprit
Collège de France
Année 2024-2025
01 - La dynamique cognitive - Le contenu des concepts
Intervenant(s) :
François Recanati
Professeur du Collège de France - Philosophie du langage et de l'esprit
Résumé :
Selon la conception classique, le contenu d'un concept est la définition qui lui est associée. Maîtriser ou posséder un concept c'est avoir la connaissance, au moins tacite, de la définition en question. Ainsi entendu le contenu d'un concept détermine son extension (tombe sous le concept tout ce qui satisfait la définition), mais il permet aussi d'individualiser le concept, c'est-à-dire à le distinguer des autres concepts (si on change la définition on change automatiquement le concept).
Il y a deux variantes de cette théorie, et les deux se heurtent à un problème. 1re variante : à travers les définitions qui leur sont associées, les concepts se renvoient les uns aux autres de façon plus ou moins circulaire, comme un dictionnaire qui définit A en termes de B, B en termes de C, et C en termes de A. Problème : on ne sait pas très bien, dans cette version holistique de la théorie, comment l'on sort du système des concepts (qui fonctionne pour ainsi dire en circuit fermé) pour ancrer ce dernier dans la réalité que les concepts sont censés représenter. 2e variante : Certains concepts sont définis en termes d'autres concepts qui peuvent eux-mêmes être définis en termes d'autres concepts encore, mais au bout de la chaîne on trouve des concepts qui ne sont pas eux-mêmes définis à partir d'autres concepts (et au niveau desquels se fait l'ancrage du système). Problème : puisque ces concepts n'ont pas de définition, la conception classique leur est inapplicable, et on est inéluctablement conduit à rechercher une conception de rechange.
Dans la conception qui a remplacé la conception classique, et qui a été élaborée sous diverses formes par les philosophes et les psychologues (théorie du stéréotype, théorie des prototypes, théorie des exemplaires…), le contenu d'un concept n'est pas une définition, c'est-à-dire un ensemble de conditions nécessaires et suffisantes pour que quelque chose tombe sous le concept, mais une représentation souvent contingente et superficielle de la réalité à laquelle se rapporte le concept. Une telle représentation permet d'identifier dans la plupart des cas les instances du concept dans l'environnement, mais en exploitant des faits contingents de sorte que la représentation, contrairement à une définition en bonne et due forme, ne livre pas des conditions nécessaires et suffisantes pour l'application du concept.
La thèse selon laquelle le contenu d'un concept inclut du savoir empirique sur les choses qui tombent sous le concept implique le rejet de la thèse selon laquelle le contenu d'un concept détermine son extension. Loin de déterminer l'extension, c'est le contenu du concept qui est dans une large mesure fonction des propriétés factuelles des choses qui tombent sous le concept. Le contenu des concepts ressemble, sous cet aspect, aux notions qu'on associe aux noms propres. En s'appuyant sur cette analogie avec les noms propres, on peut décider d'inclure dans le contenu d'un concept non seulement le « stéréotype » (les propriétés typiques des choses qui instancient le concept) mais aussi la totalité du savoir encyclopédique sur ces choses. Un concept est alors conçu comme un dossier mental incluant tout ce que l'on sait ou croit savoir de la réalité à laquelle renvoie le concept.
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- PublishedJanuary 6, 2025 at 10:30 AM UTC
- Length1h 20m
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