Droit, culture et société de la Rome antique - Dario Mantovani

Droit, culture et société de la Rome antique - Dario Mantovani

Juriste historien, Dario Mantovani est né en 1961 à Milan (Italie). Sa formation en lycée classique a préludé aux études de droit. Il a parcouru dans différentes universités italiennes (Trente, Parme) une carrière de chercheur et d'enseignant, avant de devenir professeur de droit romain à l'université de Pavie (à partir de 1997).

  1. MAY 22

    10 - Juristes au bord des métaphores. Créativité et contraintes du langage juridique

    Dario Mantovani Droit, culture et société de la Rome antique Collège de France Année 2023-2024 Le corps du droit, « Corpus Iuris ». Imaginer le droit par les métaphores corporelles dans la littérature juridique romaine 10 - Juristes au bord des métaphores. Créativité et contraintes du langage juridique Résumé Dans les textes des juristes romains, nous rencontrons de nombreuses métaphores. Mais étaient-ils conscients de les employer ? Le cours abordera cette question, fondamentale du point de vue de la méthode, en cherchant dans les textes eux-mêmes les signes de l'attitude des juristes. Les indices de leur familiarité avec les métaphores ne manquent pas : les juristes avertissent souvent le lecteur qu'ils sont sur le point d'en introduire une (par quaedam ou quodammodo, « presque », « en quelque sorte »). Deux exemples sont particulièrement illustratifs : la définition du rivage et celle des degrés de parenté. Nous suivrons les différentes définitions du rivage maritime (litus), en observant le refroidissement progressif de leur registre métaphorique (Cicéron, Topiques, 32 ; Cicéron, La nature des dieux, 2.100 ; Iavolenus, D. 50, 16, 112 ; Celse, D. 50, 16, 96). La définition des degrés de parenté proposée par Paul (D. 38, 10, 10) montre, en revanche, la capacité du juriste à exploiter le caractère métaphorique d'un terme désormais lexicalisé (les « gradus » étant à l'origine les marches d'un escalier) pour le rattacher, sans faire semblant, au droit des Douze Tables, c'est-à-dire pour le ramener dans le champ du droit. Constater la conscience que les juristes avaient des métaphores nous invite à considérer que, d'une part, ils ont tendu à garder un style sobre et que, d'autre part, dans les étroites marges de manœuvre que leur laissaient les conventions stylistiques de la prose technique, ils ont profité des métaphores et de leur capacité connotative pour donner de la cohérence à leur argumentation et au système juridique lui-même.

    1h 8m
  2. MAY 7

    08 - Mouvements : des volontés qui se rencontrent et des droits qui bougent

    Dario Mantovani Droit, culture et société de la Rome antique Collège de France Année 2023-2024 Le corps du droit, « Corpus Iuris ». Imaginer le droit par les métaphores corporelles dans la littérature juridique romaine 08 - Mouvements : des volontés qui se rencontrent et des droits qui bougent Résumé Donner corps aux idées et les faire bouger dans l'espace est un moyen efficace de représenter et manier des abstractions. Certaines métaphores spatiales et ontologiques sont entrées dans l'usage du langage juridique à tel point qu'elles ne sont plus perçues comme telles. C'est le cas du mot conventio, que le juriste Ulpien explique (Digeste 2.14.1.3) en réactivant le sens originel du verbe convenire, qui signifie se réunir en un lieu en étant partis d'endroits différents. D'où l'utilisation métaphorique de conventio pour signifier la rencontre des volontés des parties contractantes. La même métaphore, spatiale et ontologique (selon les catégories de la linguistique cognitive), est reprise dans les articles 1101 et 1113 du Code civil, relatifs à la définition du contrat. De même qu'Ulpien met en lumière la valeur métaphorique de conventio, lire Ulpien nous permet de saisir la matrice de la définition moderne. Dans d'autres cas la trame métaphorique du langage juridique est plus cachée, plus profonde, plus fondamentale encore. C'est le cas de l'idée du transfert des droits, selon laquelle les droits sont des objets (ou même des personnes) qui se déplacent, passant d'une main à l'autre et emportant avec eux leur physionomie. La lecture d'un autre texte d'Ulpien (Digeste 41.1.20.1) redonne vie à cette sorte de théâtre des droits. Nous retrouvons enfin les mots d'Ulpien en sous-texte d'une page d'Emmanuel Kant : le destin des métaphores est d'en engendrer d'autres, et celui du droit romain de produire des idées, souvent à notre insu.

    1h 14m
  3. APR 30

    07 - S'en prendre au corps du débiteur, des Douze Tables à saint Ambroise

    Dario Mantovani Droit, culture et société de la Rome antique Collège de France Année 2023-2024 Le corps du droit, « Corpus Iuris ». Imaginer le droit par les métaphores corporelles dans la littérature juridique romaine S'en prendre au corps du débiteur, des Douze Tables à saint Ambroise Résumé Les Douze Tables, au Ve siècle av. J.-C., réglementaient une procédure appelée manus iniectio (mainmise) : le créancier était autorisé à emmener le débiteur insolvable chez lui et à le garder enchaîné. En l'absence de paiement, le débiteur pouvait être vendu à l'étranger comme esclave, ou son corps découpé en morceaux. La cruauté de la procédure conduisit les Romains eux-mêmes à tenter de la rationaliser, comme le montre le débat (probablement imaginaire) entre le philosophe Favorinus et le juriste Africanus, à l'époque d'Hadrien, rapporté par Aulu-Gelle (Nuits attiques 20.1). Les préteurs ont également conçu la procédure civile d'exécution selon les règles des Douze Tables : l'emprisonnement du débiteur insolvable était encore, à l'époque classique, une possibilité pour le créancier, qui utilisait son corps pour faire pression sur lui et ses familiers et amis, sans pour autant aller jusqu'à la vente comme esclave ou la mise en morceaux du cadavre. La pratique des représailles sur le corps du débiteur a néanmoins survécu jusqu'à la fin de l'Antiquité. Saint Ambroise la mentionne dans son commentaire du Livre de Tobie (10) : des créanciers arrivaient jusqu'à empêcher – illégalement – l'enterrement du débiteur mort afin de faire pression sur les héritiers. L'empereur Justin (Codex Iustinianus 9.19.6) en témoigne également. L'homélie d'Ambroise n'est quand même pas à prendre au pied de la lettre : elle révèle un sous-texte riche en métaphores juridiques et suggère qu'il était un lecteur averti des textes de droit romain et sans doute des Douze Tables.

    1 hr
  4. MAR 27

    04 - Sommes-nous les mêmes que la semaine dernière ? Le corps comme outil d'argumentation juridique

    Dario Mantovani Droit, culture et société de la Rome antique Collège de France Année 2023-2024 Le corps du droit, « Corpus Iuris ». Imaginer le droit par les métaphores corporelles dans la littérature juridique romaine 04 - Sommes-nous les mêmes que la semaine dernière ? Le corps comme outil d'argumentation juridique Résumé Pour aborder un problème juridique, il faut d'abord des concepts pour le rendre maniable, puis le résoudre à la lumière des critères de valeur jugés préférables. Le juriste P. Alfenus Varus, consul en 39 av. J.-C. et personnalité de la scène politique et culturelle romaine, doit déterminer si le fait de changer quelques juges dans un jury modifie l'identité du jury et du procès (Digeste, 5.1.76). Une question d'identité dans le temps, donc. Comment la traiter ? Alfénus utilise la notion de corps développée par la philosophie grecque, qui les distingue selon qu'ils sont unitaires (comme une pierre), composés d'éléments cohérents (comme un navire) ou d'éléments séparés, mais conceptuellement considérés comme un seul corps (comme un peuple). Derrière cette question se cachent de profonds dilemmes philosophiques, notamment celui représenté par le navire de Thésée ou, plus troublant encore, celui concernant l'identité dans le temps de chacun d'entre nous. Pouvons-nous être considérés comme les mêmes qu'il y a une semaine, malgré le changement incessant de notre constitution physique ? L'idée du corps sert donc non seulement pour produire des métaphores permettant de nommer des concepts, mais aussi comme outil d'argumentation.

    1h 3m

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Juriste historien, Dario Mantovani est né en 1961 à Milan (Italie). Sa formation en lycée classique a préludé aux études de droit. Il a parcouru dans différentes universités italiennes (Trente, Parme) une carrière de chercheur et d'enseignant, avant de devenir professeur de droit romain à l'université de Pavie (à partir de 1997).

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