Le bol de soupe

Nos Chemins de Liberté

"Je n’étais pas en colère contre eux. Je ne suis pas en colère contre ça".

Pour ce cinquième épisode de ‘Nos chemins de Liberté’, Léon Le Guen a rassemblé ses souvenirs. Parmi eux, le bol de soupe, un souvenir qui nous dit ce qu’était la guerre dans la vie simple d’un enfant de 8 ans.

Nos chemins de Liberté est un documentaire porté par la Mairie de Plouguerneau (Finistère) et sa médiathèque, pour révéler les récits de vie de ses plus anciens habitants : celles et ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale, la libération puis la construction d'un jumelage avec une ville allemande.

Chaque témoignage, collecté par un collectif d'habitants, fait ensuite l’objet d’un podcast, ainsi que d’un portrait photographique, réalisé dans un lieu emblématique de la commune, évoqué en entretien. 

Tous les samedis, de février à juin 2024, un nouveau récit est dévoilé dans un épisode dédié.

Citation

« Léon c’est un peu comme Jeanne, Joséphine ou encore Marie-Thérèse
La guerre c’est comme s’il ne l’avait pas vu
Alors quand il arrive devant les micros, il ne comprend pas trop les raisons de sa présence
On sent qu’il est prêt à repartir
De peur de déranger peut-être

Il n’aime pas trop ça causer seul Léon
Chez lui les mots c’est à l’économie
C’est comme aller à confesse
Faut dire qu’il aurait apprécié retrouver les anciens du quartier
Ceux et celles d’avant
Quand la vie était une affaire de collectif
Et sans doute que, dans leurs échanges, les souvenirs auraient été plus faciles à revenir
Une vie collective c’est aussi des souvenirs de groupe

Alors Léon se lance

Souvent il donne l’impression de s’arrêter
Sans jamais vouloir continuer
On laisse les silences s’étirer
Et si rien ne vient on le questionne
À nouveau
Et il repart
Et on se dit tant mieux
On ne sait jamais

Dans les mots de Léon on distingue le sens
Il dit et redit que la guerre peut ne pas avoir marqué une vie
Il dit que cette vie de guerre on n’avait pas le temps de s’en préoccuper
On avait d’autres chats à fouetter
Le travail, la ferme, la famille, le quartier, le sou pour vivre

Au bout d’une heure
alors qu’on avait la sensation que tout avait été dit
on lui demande s’il voulait rajouter un dernier souvenir
On fait ça par politesse sans doute
Pour se dire au revoir et à bientôt pour la photo

Et là, Léon, comme si de rien n’était,
il nous raconte le souvenir du bol de soupe
Celui qu’on donnait aux enfants de l’école à l’heure du déjeuner

Un bol d’eau chaude en fait
Un bol pour faire genre
Et, en face de lui, les Allemands eux, ont des omelettes bien généreuses
On est un peu estomaqué par ses mots en apparence anodins
Par leur portée
Leur symbolique aussi

Mais Léon n’a pas de colère
Il fait le constat
Sans être naïf
Il est lucide sur ce qu’est la guerre aussi
Comme bien d’autre qu’on a rencontré
Qu’on a raconté"
 

Thomas Troadec, sociologue et réalisateur, agence Catalpa

Nos chemins de Liberté : un projet porté par la Mairie de Plouguerneau avec sa médiathèque « Les trésors de Tolente »

  • Équipe municipale, coordinatrice du projet

Yannig Robin, maire de Plouguerneau, Frédéric Moritz, chargé des archives de la mairie et Christine Legal, chef de service Lecture publique, responsable de la médiathèque et du projet Nos chemins de

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