CW dépression, suicide Chères auditeurices, j’ai besoin de vous confier des choses, pour pouvoir passer à autre chose. Le format de cet épisode sera différent de tous les précédents, comme un crossover avec un autre podcast, d’une autre vie. Pour la nostalgie : (générique) Je ressens le besoin, le devoir même, de reconnaître l’éléphant dans la pièce, mieux qu’en le mentionnant au détour d’une phrase dans le dernier épisode publié il y a déjà un an. La dépression que je traverse, que j’ai traversée peut-être, m’a empêchée de me confronter à la masse de travail que constitue chaque épisode. C’est une joie, à chaque fois, d’accomplir cette mission, de transmettre la parole de quelqu’un d’extraordinaire. Survivre en étant trans, c’est bien le thème de ce podcast, dont j’avais évidemment besoin, et peut-être vous aussi. C’est aussi des heures de montage que je redoute et je repousse à plus tard. Je porte la culpabilité envers vous, et plus encore envers Manon, Karine, Gab, Lexie, Dominique, et les autres qui ont déjà témoigné et qui attendent que leur épisode sorte. Cette culpabilité me bloque ; et ce cercle vicieux entretient la dépression. Pour essayer d’en sortir j’ai besoin de deux choses. La première, c’est de vous lire ce texte qui m’obsède, d’une autrice a priori cis, la lettre d’adieu de Virginia Woolf. Elle consacre l’énergie de ses derniers instants à expliquer son geste, et surtout à rassurer son compagnon qui lui survit. Cette lettre m’a empêchée d’écrire la mienne, par peur de la copier trop. Citer quelqu’un d’autre dans un moment comme ça, j’avais le sentiment d’étouffer ma propre voix. J’avais, j’ai aussi un entourage à rassurer, et je ne pouvais pas trouver les mots pour alléger ma culpabilité de leur faire tant de peine. Et c’est peut-être un peu ce qui m’a sauvée. Voici ma traduction de la lettre. Mardi. Très cher Léonard, Je suis sûre que je redeviens folle. Je sens que je ne peux pas traverser de nouveau ces moments terribles. Et cette fois, je ne guérirai pas. Je commence à entendre des voix, et je n'arrive pas à me concentrer. Alors je fais ce qui semble la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur possible. Tu as été, dans tous les domaines, tout ce que quiconque pouvait être. Je ne pense pas que deux personnes puisse être plus heureuses, jusqu’à ce qu’arrive cette terrible maladie. Je ne peux plus me battre. Je sais que je te gâche la vie, et que sans moi tu pourrais travailler. Et tu le feras, je sais. Tu vois, je n’arrive même pas à écrire ça correctement. Je n'arrive plus à lire. Ce que je veux dire, c’est que je te dois tout le bonheur de ma vie. Tu as été extrêmement patient avec moi et incroyablement bon. Je veux le dire, que tout le monde le sache : si quelqu’un avait pu me sauver, ça aurait été toi. Tout m'a quitté, sauf la certitude de ta bonté. Je ne veux pas continuer à gâcher ta vie plus longtemps. Je ne pense pas que deux personnes puisse être plus heureuses que nous l’avons été. Merci de m’avoir écoutée. La deuxième chose dont j’ai besoin, c’est votre retour. Si un épisode en particulier vous a touché, une phrase, où tout le projet, dites-le moi. Envoyez-moi un message, écrit, audio ou vidéo, racontez l’impact sur vous. Je suis curieuse, non, avide, de vos commentaires. J’ai eu besoin de vous partager cette lettre et cette requête, parce que je crois que ça me permettra de passer à la suite. Enterrer cette pulsion de mort, et choisir la suite. Libérer cette lettre qui tournait en moi, comme une panthère derrière des barreaux, et me concentrer sur nos prochains chapitres ensemble : publier le 16e épisode d’Un Podcast Trans, publier le prochain épisode de Nos Voix Trans, et surtout, surtout, accueillir mon bébé qui doit naître dans quelques jours. La page est tournée.