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Mathilde Castel
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Vous trouverez sur l'Ouvroir d'Exposition Potentielle des expositions imaginaires, écrites et contées par Mathilde Castel. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

  1. Episode 24 - Vocabulary of solitude - Ugo Rondinone

    SEP 29

    Episode 24 - Vocabulary of solitude - Ugo Rondinone

    Il te venait de ton arrière-grand-mère. Elle, tu l’affectionnais beaucoup. Tu l’appelais Auela. C’est par ce mot qu’elle se désignait. Tu pensais que c’était son nom. Et puis un jour tu t’es souvenu, comme s’il s’agissait du genre de choses que l’on peut oublier, qu’elle ne parlait pas français. Tu compris alors que la fois où elle s’était montrée du doigt, elle avait dit « Abuela ». « A », « BUE », « LA ». Mais le B ce n’était pas vraiment ton truc, ni le R d’ailleurs. Dans ta bouche, le mot « abricot » devait sans doute prendre des intonations japonaises. Ton arrière-grand-mère fut donc affublée du nom d’Auela. Tu ne l’as jamais changé. Plus tard, lorsqu’elle apprit ses premiers mots de français, elle te demanda de l’appeler « la copine ». Elle te fixait de ses yeux bruns cernés de bleu et répétait lentement « LA CO-PINE ». Tu l’aimais beaucoup. Mais tu ne l’as jamais changé, son nom. Tu ne le pouvais pas. Tu ne l’aurais plus aimée aussi fort. Bien après sa mort, tu appris qu’elle s’appelait Modesta. Tu te souviens de ses cheveux très blancs, de son poncho tricoté, des parties de domino, de son chien noir, de la pendule qui sonnait des chants d’oiseau. Tu ne savais rien d’elle, mais il lui arrivait de te défendre devant tes parents, ça, tu t’en souviens. C’était la copine. C’était Auela. Et il te venait d’elle. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

    10 min
  2. Episode 21 - Zulu mother and child - Curtis Santiago

    SEP 8

    Episode 21 - Zulu mother and child - Curtis Santiago

    Tu jettes en arrivant un œil au panneau d’affichage. Tu sais qu’il va te falloir attendre onze minutes. Tu traines les pieds en t’avançant sur le quai. Tu es patient, là n’est pas le problème. Tu sais attendre. Tu redoutes seulement la nature des souvenirs, s’apprêtant à profiter de cette latence, afin de se rappeler à toi. Tu n’es pas dans le déni, là n’est pas le souci. Tu sais qui tu es. Tu ne l’oublies pas. Tu n’as seulement pas envie de te le remémorer. Tu tentes d’occuper ton esprit pendant onze minutes. Tu progresses le long d’un couloir ouvert. La paroi le fermant à gauche s’attife d’étroits rectangles de carrelage posés à la verticale, déclinant le spectre joignant le jaune à l’orangé, et se juxtaposant en simulant les remous ondulés du soleil. Le mur porteur s’embrase, maintenu à l’équerre par une dalle de béton sale sur laquelle tu réfléchis avant de poser le pied. Dans l’angle droit, l’épaisseur d’un banc de métal s’élevant trop peu au-dessus du sol se laisse transpercer par des fauteuils dépourvus d’accotoir, en un plastique dont le bleu t’évoque l’écho des piscines municipales. Piqués tels des parasols en papier dans des verres vides, ils détonnent. Entre une façade flamboyante et le béton aride, ils ont l’absurdité d’une oasis fantasmée en plein désert. Un mirage. Qu’est-ce pourtant qu’un mirage ? Si ce n’est un souvenir profitant d’une latence afin de se rappeler à soi. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

    10 min
  3. Episode 19 - A doll's house - Amabouz Taturo

    AUG 25

    Episode 19 - A doll's house - Amabouz Taturo

    Tu restes longtemps assis par terre, en tailleur au milieu de cette pièce, à regarder le papier peint panoramique ouvrant en le couvrant, le cyclorama d’une petite scène de théâtre occupant le mur du fond. Délimitée par la surélévation d’une estrade couleur menthe à l’eau ornée à la ceinture d’une frise de rinceaux, et le ciel amandé d’un rideau à deux évolutions jumelées, monté sur patience et manœuvré à la française, elle enserre comme un secret l’hétérotopie d’une îléité aux crépuscules bleus. On pénètre dans cette salle comme on le ferait de la Cité d’Émeraude, en passant sous une arche de même coloris, en accolade plat dont l’ascension s’accompagne d’ornements stuqués à la forme végétale, simulant la luxuriance d’un jardin où ne nous dépasserions pas la hauteur du brin d’herbe. Un rideau de velours opalin maintenu à l’italienne de part et d’autre de l’arche, autorise l’entrevue d’une pièce bordée de fenêtres hautes sur la gauche, et de miroirs à l’égale envergure sur la droite. Un parquet Versailles de bois blond, un plafond blanc paré de frises de végétations peintes, et mis en gravité par la suspension d’un imposant lustre de cristal jouant de la lumière, parfont le faste de cette alcôve fantasmée de la Bavière. Alignées le long des fenêtres, des barres de danse tracent comme une ligne de fuite au paysage exotique dont la contemplation t’absorbe. Il y a, dans l’azur de sa perspective atmosphérique, comme la houle d’un murmure dans lequel l’angoisse se résorbe. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

    9 min
  4. Episode 18 - La femme et... - Annette Messager

    AUG 18

    Episode 18 - La femme et... - Annette Messager

    Tu es sous terre. C’est une nuit blanche, où tu broies du noir et tu vois rouge. Pas tout à fait. Corail. Tu les vois plutôt couleur corail, flanqués de mains courantes laiteuses cernées de chrome, et pendant comme trois gigantesques langues hors d’une gueule bleue. Six pieds sous terre. Tu te trouves en avance, et tu n’apprécies pas les chiens. C’est à peine si tu les tolères. Quelque chose à voir avec leur attention. Un chien réagit toujours, n’ignore jamais. Devant lui tu te sais, si ce n’est ni espéré, ni attendu, du moins vu et notifié. Jamais ton pas en sa proximité ne manquera d’un regard la gratification. Un chien sait, et semble deviner ce qu’il ignore. Il est comme un parent dont tu voudrais pouvoir prendre congé, sans que celui-ci te cède le répit. Car un parent n’ignore jamais, toujours réagit. Quelque chose à voir avec l’attention. Un chien est comme un parent. Il attend de toi que tu vives. Comme un parent, le poil en plus et l’odeur de la pluie. Un chien est exigeant. Et toi, toi tu as déjà donné. Surtout à tes parents. A l’évidence, tu t’es donc trompé d’itinéraire. Tu veux revenir en arrière et choisir une autre salle, reporter ta rencontre avec Cerbère et son infernale tricéphalie. Il ne se trouve cependant de sortie que ces trois pistes, tombant d’un sommet jusqu’au-devant de tes pieds en trois tapis rouges te laissant le choix de celui par lequel rallier une destination commune. Pas tout à fait. Corail. Trois tapis couleur corail, comme trois langues conduisant à la même gorge, et dont tu ne pourrais te faire goûter que par une. Cela n’incite pas vraiment à les emprunter, ces satanés escalators. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

    12 min
  5. Episode 17 - Sans titre - Jeanne Vicérial

    AUG 11

    Episode 17 - Sans titre - Jeanne Vicérial

    De cette pièce, tu ne te souviens de rien. C’est comme si tu ne l’avais jamais vue. Comme si tu n’y avais jamais été. Tu serais incapable d’annoncer la couleur des murs, de dire si le parquet y est posé à l’anglaise, à bâtons rompus, en point de Hongrie, à coupe perdue ou en vannerie. Tu te souviens seulement qu’il était clair, suffisamment pour que lorsqu’à son encontre rebondissait la lumière, on croyait découvrir l’Eldorado. Tu le voyais seulement entre tes pieds, car ta vue était obstruée par d’autres chaussures, d’autres jambes, d’autres dos, d’autres têtes, d’autres corps que le tien. Tu ne sais si cette salle est grande, tant tu y étais serré, mais tu le supposes, à la façon dont la rumeur s’y propageait. Tu ignores s’il s’y trouve des fenêtres, tellement tu y étouffais. Tu doutes de son odeur en ce que ce que tu y percevais était une confusion de transpiration, de parfums d’hommes et de femmes ne s’accordant pas. Tu méconnais sa signalétique, ses ornements, le reste de ses tableaux. De cette pièce tu ne te représentes que du mouvement, celui du pogo. Tu te souviens de zones de contact plus étendues entre ton anatomie et celles d’inconnus que tu n’en avais jusque-là partagées en faisant l’amour. Tu te remémores n’avoir jamais si peu voulu enfouir ton nez dans la nuque de quelqu’un. Tu te rappelles les différents points de pression appliqués dans ton échine pour te faire avancer, variant selon la taille de ceux qui te succédaient. Tu te revois te contorsionner au gré des enfants voulant se faufiler à travers toi. De cette salle tu te souviens des bleus, de la fatigue, de l’impatience, de la colère. Tu ne sais rien de cette pièce, et tu ne l’as jamais vue. Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

    9 min

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