Pour la marine russe, ce devait être un exercice naval taille XXL. Son nom Okéan 24, il s’est déroulé du 25 août au 16 septembre, du jamais vu depuis la guerre froide, sur le papier seulement. Car les marines occidentales ont suivi de près la manœuvre et elles restent circonspectes quant aux réelles capacités de la flotte russe.
Okéan 24 a été annoncé à grand renfort de publicité avec des chiffres vertigineux : 400 navires, 90 000 soldats et marins mobilisés et 17 pays invités pour un exercice qui s’est joué sur les océans Arctique, Pacifique, ainsi que sur les mers Baltique, Caspienne et Méditerranée.
Mais dans les faits, quelques dizaines de navires seulement ont pris la mer, avec beaucoup de petites unités comme des canonnières. « Il y a une véritable distorsion entre les annonces et ce que l’on a observé », notent des marins de haut rang. Les observateurs indiquent qu’il n’y a eu aucun entrainement en Atlantique et aucune manœuvre terrestre, contrairement à ce qui était annoncé.
« C’est un exercice en trompe-l'œil, abonde le spécialiste de la pensée stratégique russe Dimitri Minic chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) : « C'est vrai que c'était une annonce faite par Moscou qui était inédite, depuis la guerre froide. On se rend bien compte que les effectifs d'entraînement ne sont pas du tout ceux qui avaient été annoncés par le ministre de la Défense Andreï Belousov. Au fond, qu'est-ce que cela nous dit ? Cela nous dit que c'est une manière pour la Russie d'impressionner évidemment ses adversaires déclarés ou non. Ils veulent montrer que leurs ambitions sont totales, que la Russie n’est pas seulement une armée de terre, une armée de l'air, mais que c'est aussi une marine puissante, et qu’elle est capable d’être active sur toutes les frontières de la Russie et même au-delà. On a vu que la Méditerranée orientale a également été concernée par ces entraînements. »
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En Méditerranée, la frégate française Languedoc a observé l'exercice russe
En Méditerranée Orientale, Moscou dispose d’une base navale à Tartous en Syrie. Depuis ce point d’ancrage, la marine russe a engagé dans Okéan 24, trois navires et un sous-marin (l’Oufa). Une manœuvre qui a été observée par la frégate française Languedoc, nous avons joint le Capitaine de Vaisseau Loïc Boyer son commandant lorsqu’il était en mer, voici son appréciation : « Nous avons pu l'observer parce que l'objectif de déployer une frégate en Méditerranée orientale, c'est de faire de l'appréciation autonome de situation. Pour autant, ça n'a absolument pas fait l’objet d'une attention particulière. Oui, effectivement, les unités russes qui sont stationnées en Méditerranée orientale ont participé à cet exercice. Mais je dirais, comme pour tout exercice routinier d'entraînement habituel d'une marine, c'était une manœuvre habituelle pour la région. »
La flotte russe du Pacifique impressionne toujours
Exercice routinier donc, excepté dans le Pacifique où la Chine était aux côtés des russes. Si côté occidental, personne n’a acheté le narratif d’Okéan 24, la presse japonaise, en revanche, s’en est fait l’écho : 4 navires russes et 4 navires chinois ont patrouillé en mer du Japon, une région où la flotte russe du Pacifique impressionne toujours souligne Eric Frécon enseignant à l’université de Singapour : « La Russie a quand même cette image de grande puissance et maintenant, elle est justement à la limite. Mais elle essaye d'apparaître encore comme cette grande puissance qu'elle était et qu'elle serait toujours. Je vous renvoie à un récent rapport commandé par la Marine australienne et qui ciblait la flotte du Pacifique, qu'il ne faudrait peut-être ne pas trop négliger non plus. Un des principaux enseignements, c'était que la guerre d'Ukraine n'a pas d'impact sur la flotte du Pacifique, même si effectivement, peut-être qu'il y a eu embrouille ou esbroufe sur les chiffres pour Okéan 24. »
Plus qu'un exercice de grande ampleur, Okéan 24 fut surtout une manœuvre informationnelle
L’illusion d’Okean 24 a aussi porté sur la participation des marines étrangères, en particulier dans l’Indo-Pacifique, où excepté la Chine, personne n’a souhaité s’associer à l’exercice, « Okéan 24 montre toutes les limites de la stratégie mondiale de la Russie, insiste Dimitri Minic de l’Ifri. On voit bien les failles, on voit bien les lacunes de cette politique, on voit bien que le sud global n’est pas trop russe. Faire des exercices navals avec la Russie, c'est aller un peu trop loin aussi. Très peu de ces pays veulent s'aliéner les Occidentaux. Et c'est là que l'on voit que la Chine a une trajectoire spécifique dans les différents États du Sud global, Pékin a plus intérêt que les autres, à faire apparaître la Russie comme une puissance forte et qui résiste à l'Occident. »
Okéan 24 voulait être la réponse de Moscou à Steadfast defender, le gigantesque exercice de l’Otan du printemps dernier. Mais dans les faits, ce fut plus une manœuvre informationnelle qu’un véritable exercice naval.
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- Veröffentlicht29. September 2024 um 05:55 UTC
- Länge3 Min.
- BewertungUnbedenklich