[3/5] « Aux origines de l’antisémitisme » : l’ombre de l’affaire Dreyfus
C’est au XIXe siècle que la haine des juifs prend ses caractéristiques modernes. En s’adossant à un discours pseudo-scientifique, elle prend un nouveau nom : “antisémitisme”. Pour évoquer la montée de l’antisémitisme, qui culmine avec l’affaire Dreyfus, Virginie Girod s’entretient avec Denis Charbit, professeur de science politique à l’université libre d’Israël.
“Il faut bien comprendre que ce qui fait le succès de l’antisémitisme à travers les siècles vient du fait qu’il se greffe sur un discours social dominant. Au XIXe siècle, le discours social principal est celui de la science” explique Denis Charbit. “La haine des Juifs va se greffer à un discours pseudo-scientifique pour décréter qu'il y a une race sémite, qui serait inférieure, mais surtout dangereuse”. C’est en 1873 que le journaliste allemand Wilhelm Marr forge le néologisme “antisémitisme”.
Si la révolution industrielle fait entrer les sociétés dans l'ère moderne, elle donne aussi de nouvelles munitions à ceux qui prônent le rejet des Juifs, notamment à gauche. “La révolution industrielle va permettre à certains Juifs de s'élever dans l'échelle sociale et à travers la figure des Rothschild, par exemple, on va associer le juif à l'argent” illustre Denis Charbit.
Si l’antisémitisme prospère dans les milieux socialistes et marxiste, la bourgeoisie est également hostile aux juifs. Un rejet encore teinté d'antijudaïsme. “L’homme qui fait la jonction, c’est Édouard Drumont” précise Denis Charbit. Polémiste et homme politique d’extrême-droite, il publie “La France juive” “où il essaie de démontrer que la révolution aurait profité aux Juifs seulement, et qu'elle aurait pénalisé en France les ouvriers et les catholiques”. Le pamphlet antisémite est un best-seller.
Huit ans après sa parution, l’affaire Dreyfus éclate et cristallise l’antisémitisme de l’époque. Alfred Dreyfus, parce qu’il est juif, est considéré comme le coupable idéal d’une affaire de haute trahison qui devient bientôt un conflit social entre deux France.
Lorsqu’il s’achève, l’antisémitisme a encore changé de visage. “L'antisémitisme va passer de la gauche à la droite de manière définitive” détaille l’historien “les forces anti-républicaines vont récupérer politiquement l'antisémitisme pour en faire une valeur cardinale jusqu'à l'apothéose : le régime de Vichy”. Autre conséquence moins connue, l’affaire Dreyfus contribue à forger le projet sioniste dans l’esprit du journaliste autrichien Theodore Herzl, correspondant à Paris. Accablé par la haine des Juifs qui se déverse dans le pays des droits de l’Homme, “il en arrive à concevoir que la solution politique pour les Juifs, c’est qu'ils disposent d'une terre et d'un État dont ils seraient à la tête” raconte Denis Charbit.
Thèmes abordés : antisémitisme, judaïsme, marxisme, Affaire Dreyfus
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- Publicado30 de janeiro de 2024 09:30 UTC
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