Censure : à quoi ont joué gouvernement et partis ? / La Syrie sous pression

Le Nouvel Esprit Public

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Une émission de Philippe Meyer, enregistrée au studio l’Arrière-boutique le 6 décembre 2024.

Avec cette semaine :

  • Nicolas Baverez, essayiste et avocat.
  • Nicole Gnesotto, vice-présidente de l’Institut Jacques Delors.
  • Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit.
  • Richard Werly, correspondant à Paris du quotidien helvétique Blick.

CENSURE : À QUOI ONT JOUÉ GOUVERNEMENT ET PARTIS ?

L’Assemblée nationale a adopté mercredi soir une motion de censure par 331 voix, la majorité absolue étant de 289 voix, en réponse au déclenchement de l’article 49.3. Le gouvernement Barnier, le plus éphémère de la Ve République est tombé, moins de trois mois après sa nomination. Une première depuis 1962. « Le Premier ministre a remis jeudi la démission de son gouvernement au président de la République qui en a pris acte », a fait savoir l’Élysée.

Au préalable, le Premier ministre avait assumé d’engager une phase de négociation avec les formations qui acceptaient d’entrer dans le jeu. Il était difficile de satisfaire les différents partis compte tenu de leurs différentes lignes rouges : tandis que le Rassemblement national (RN) ne voulait pas que le prochain budget lèse les classes populaires, Les Républicains refusaient d'augmenter les impôts, le Nouveau Front populaire (NFP) réclamait des impôts supplémentaires pour les plus riches et pas de nouvelle loi immigration, les macronistes exigeaient que les allégements de charges accordés aux entreprises ne soient pas remis en cause. Plus Michel Barnier lâchait de concessions pour dissuader les parlementaires de faire tomber son gouvernement, plus ils en rajoutaient. Pour s'acheter la grâce de Marine Le Pen, il s'est résigné à réduire les prix de l'électricité et à raboter l'aide médicale proposée aux sans-papiers. Mais elle a exigé ensuite que les médicaments soient mieux remboursés et que les pensions de retraite soient encore plus revalorisées. Sous la pression, le gouvernement est allé jusqu'à revenir sur la baisse du taux de remboursement des médicaments en 2025, l'une des dernières demandes de Marine Le Pen. Insuffisant, tant les exigences du RN semblaient s'échelonner à mesure que l'exécutif se montrait prêt à des concessions.

La cheffe de file des députés RN espère s'être adressée en priorité à son électorat favorable à la chute de l'exécutif, mais elle prend le risque d'abandonner sa posture de parti de gouvernement dans sa conquête de nouveaux électeurs. En censurant, l'extrême droite a pris le risque d'affaiblir sa posture dans une partie de l'opinion, notamment chez les retraités et les catégories supérieures diplômées, inquiets d'une forme d'instabilité.

Selon un sondage de l'Ifop publié le 28 novembre, 53 % des électeurs souhaitaient que la censure soit votée contre le gouvernement. La France est désormais sans budget, sans gouvernement, sans majorité à l'Assemblée nationale et dirigée par un président impopulaire.

Jeudi soir, Emmanuel Macron a annoncé la nomination prochaine d’un nouveau Premier ministre à la tête d’un gouvernement d’intérêt général excluant le RN et LFI, et il a assuré qu’il exercerait son mandat jusqu’à son terme constitutionnel.

LA SYRIE SOUS PRESSION

En quelques jours, les rebelles islamistes syriens se sont emparés de plus de territoire dans le nord-ouest de la Syrie qu'en treize ans de guerre civile. Depuis le 27 novembre, le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham et les factions rebelles alliées, a mis la main sur Alep, la deuxième ville la plus importante de Syrie. Il a ensuite pris Hama avec, en ligne de mire, la capitale, Damas. Même si elles ne sont pas majoritaires, certaines formations de rebelles proches d’Ankara participent à l’offensive d’Alep. Parmi elles, l’Armée nationale syrienne, un groupement d’une dizaine de factions, sans réelle unité idéologique mais partageant des sentiments très antikurdes et réunies par la Turquie depuis 2017. Alors que l’armée syrienne s’est débandée, le président Bachar el-Assad a promis d'utiliser la « force » pour éradiquer le « terrorisme ».

Jusqu’à présent, le régime syrien n’a tenu qu’en raison de l’aide de ses trois alliés : l’Iran, le Hezbollah et la Russie. Les djihadistes ont saisi le moment où le camp pro-iranien est affaibli par les coups que lui a portés Israël à Gaza, au Liban, et en Syrie. Israël, inquiet de voir le mouvement armé libanais développer avec l’appui logistique de l’Iran une plate-forme pour faire passer du matériel militaire et des hommes vers ses bastions au Liban, frappe librement ses ennemis en Syrie. Toutefois, le gouvernement israélien ne cherche pas à faire tomber le régime de Bachar : il lui suffit de pouvoir frapper à sa guise les installations du Hezbollah et de ses alliés en Syrie. La Russie, elle, occupée par sa guerre en Ukraine, n’a plus les mêmes ressources financières et humaines qu’au milieu des années 2010 à consacrer au soutien de Bachar el-Assad. Compliquant la donne géopolitique, la rébellion, et ses factions à la solde d’Ankara, s’est emparé de Tall, une localité sous contrôle kurde, près de la frontière turque.

La fulgurante offensive rebelle sur Alep met en lumière l’isolement et les faiblesses du régime de Damas avec lequel Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement cherchent depuis deux ans, en vain, à négocier une normalisation diplomatique. Le président syrien a exigé à chaque étape des discussions le retrait des troupes turques dans le nord du pays et l’arrêt de la collaboration avec l’opposition syrienne. Deux termes qui ont toujours été non négociables côté turc. Avec le redéploiement de troupes russes sur le front ukrainien, le pouvoir turc espère lancer, comme il l’a annoncé à plusieurs reprises, une nouvelle offensive militaire dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes. L’un des objectifs d’Ankara est également d’organiser le retour des quelque trois millions de réfugiés syriens que le pays accueille sur son territoire. En élargissant la zone contrôlée par les rebelles, Ankara espère augmenter ses chances d’accélérer le mouvement.

Dans un communiqué conjoint, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont appelé à la « désescalade » en Syrie.

Chaque semaine, Philippe Meyer anime une conversation d’analyse politique, argumentée et courtoise, sur des thèmes nationaux et internationaux liés à l’actualité. Pour en savoir plus : www.lenouvelespritpublic.fr

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