Olivier Houdé, professeur à l'Institut de Psychologie et chercheur du Groupe d'imagerie neurofonctionnelle, rend compte des dernières découvertes sur le développement du cerveau et de l'intelligence et les modifications profondes qu'elles apportent à nos connaissances sur la psychologie de l'enfant.
Aujourd'hui grâce à l'imagerie cérébrale on peut observer le fonctionnement du cerveau et ainsi essayer de comprendre ses rapports avec la cognition. On peut maintenant établir l'anatomie du cerveau, par l'IRM anatomique, mais aussi le « voir » travailler, c'est l'IRM fonctionnelle.
Ces nouvelles technologies révolutionnent la psychologie qui tend de plus en plus à devenir une science dure.
Jusqu'alors on concevait la construction de l'intelligence par paliers : l'intelligence venait, selon les théories de Jean Piaget, d'une intégration de l'environnement à l'organisme qui conduisait peu à peu le cerveau à des organisations plus complexes.
Selon cette théorie, la notion de nombre apparaît vers 7 ans et le stade du raisonnement logique entre 12 et 16 ans.
Les recherches actuelles montrent que le développement de l'intelligence n'est pas uniquement imputable à une dynamique d'assimilation et d'adaptation mais qu'un processus d'activation/inhibition participe à la construction de l'intelligence. Si l'on sait depuis longtemps que l'apprentissage d'habiletés passe par la pratique et l'automatisation de certaines tâches, avec l'imagerie on visualise ce qu'implique cette automatisation : lors de l'apprentissage d'un nouveau geste par exemple, c'est les parties frontales du cerveau que l'on voit fonctionner, ensuite plus la tâche est intégrée et automatisée, plus les régions cervicales sollicitées reculent vers les parties arrières du cerveau.
Cette reconfiguration peut aussi être inversée lorsque l'apprentissage consiste à inhiber la perception pour accéder au raisonnement logique. En effet, le cerveau se laisse piéger par l'automatisme de la perception : ainsi un enfant à qui l'on présente deux rangées de peluches en nombre égal mais de longueurs différentes considèrera qu'il y a plus de peluches là où la rangée est la plus longue. Le problème est d'apprendre à inhiber la perception nombre=longueur. L'enfant corrigera ces automatismes avec l'expérience, par imitation ou par les instructions extérieures.
Ce processus de reconfiguration s'observe même chez les cerveaux matures, ce qui montre l'extrême adaptation du cerveau à l'apprentissage.
L'équipe d'Olivier Houdé a découvert que les bébés perçoivent les nombres avant l'émergence du langage : par leur surprise visuelle, les bébés montrent qu'ils détectent des erreurs de calculs simples, du type 1+1=3. La survenue du nombre est donc bien plus précoce que ne le pensait Jean Piaget qui ne l'envisageait que vers l'âge de sept ans !
Avec l'apparition du langage chez l'enfant, ce processus est perturbé et l'enfant de 2 ans se trompe là où le nourrisson ne fait pas d'erreurs ! L'explication ? La langue française ! Pour exprimer le nombre, elle utilise « un » et « des » mais c'est aussi avec « un » que l'on compte un, deux, trois... d'où une certaine confusion chez le jeune enfant . Cet échec montre que l'enfant entre dans une nouvelle phase d'apprentissage, qu'il acquiert un nouvel outil ! On est loin du modèle d'apprentissage en escalier, aujourd'hui on est plus dans dynamique d'évolution non linéaire, où les courbes évolutives se chevauchent, entrent en concurrence ou en synérgie.
Il reste maintenant à appliquer ces découvertes scientifiques par exemple en y intéressant les pédagogues !
Informações
- Podcast
- Publicado14 de novembro de 2006 18:18 UTC
- Duração1h22min
- ClassificaçãoLivre